Otages de l’essence?

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Publié dans le Journal de Montréal/Journal de Québec, pages Argent, 8 septembre 2012

On peut lire l’article ici.

Les pétrolières et les détaillants d’essence ont-ils conspiré pour fixer les prix sur près de la moitié du territoire québécois? Un 2e recours collectif permettra peut-être de trancher. En attendant, Joe Public, qui tire le Diable par la queue, croit qu’il est l’otage permanent de l’oligopole planétaire de l’essence.

C’est que le prix à la pompe ne suit apparemment jamais les conditions « objectives » d’un juste équilibre entre l’offre et la demande.

Qui en profite vraiment? On est dans le noir complet. Tenez, j’habite Montréal et j’ai une maison à Sainte-Adèle. Dès que j’y vais, j’en profite pour faire le plein. Parce que l’essence est toujours moins chère entre Saint-Jérôme et Sainte-Agathe qu’à Montréal. De dix cents le litre et même plus. Même constat à Limoilou comparé à Longueuil. Y’a de quoi être jaloux!

Pourtant, la population de Montréal est, aux dernières nouvelles, plus élevée que celle de Québec ou de Val-David. La loi de l’offre et de la demande s’applique-t-elle?

On le verra avec ce 2e recours collectif, autorisé jeudi. On accuse pétrolières et détaillants d’avoir conspiré pour fixer les prix dans 22 villes, pendant plus de quatre ans. Plus d’un million de Québécois sont visés.

Et ça fait suite à un autre recours collectif, autorisé en 2009, contre pétrolières et détaillants basés dans quatre villes de l’Estrie et des Bois-Francs, suite à des accusations criminelles déposées en 2008 par le Bureau fédéral de la concurrence.

L’APA agit comme co-requérant dans les deux recours. Elle affronte presque une centaine d’avocats des plus grands bureaux québécois, qui représentent des sociétés comme Ultramar, Olco, Irving, Couche-Tard, etc.

Si les plaignants gagnent leur cause, les dommages s’élèveraient à des dizaines de millions de dollars. Déjà, sept entreprises et 27 particuliers ont plaidé coupable suite aux accusations du Bureau de la concurrence. On parle de peines de prison et d’amendes salées.

Mais ce 2e recours permettra surtout de faire la lumière sur un système archi-compliqué qui confondent même les experts. Car le prix de l’essence est basé sur une foule de facteurs : le prix du baril de pétrole brut (on l’importe surtout d’Algérie et d’Europe), le prix à la rampe de chargement, la marge de raffinage, le coût de transport, les taxes (plus de 32% du prix moyen à la pompe au Canada), les conditions climatiques, les réserves mondiales de pétrole, les fermetures en cascade de raffineries, le printemps arabe, les guerre en Irak et en Syrie, la menace nucléaire iranienne, le cours du $US, les grèves périodiques, accidents et explosions sur les plate-formes de forage et les raffineries, et même le réchauffement climatique qui entraîne des catastrophes naturelles. Quelle est la marge des détaillants dans ce système?

Le problème, c’est que personne ne peut dire clairement qui ou comment est fixé le prix à la pompe. C’est l’ordinateur du siège social de la pétrolière? Le gérant régional? Le patron du dépanneur? Prend-il un café avec son concurrent de temps en temps ou scrute-t-il le panneau du voisin avec ses longue-vues?

Dans ce système hyper-opaque, le grand perdant, c’est le consommateur. Sans fixer le prix de l’essence, Québec pourrait tout de même afficher les prix à chaque étape de la chaîne d’approvisionnement, pour chaque ville, avec explications simples. Car ces données existent, mais personne apparemment n’a intérêt à les dévoiler. Sinon, je parierais que les prix seraient fort différents… 

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