Un vieux téléphone gris et une feuille de plywood
Publié dans Accès Laurentides à l’occasion de ses 15 ans d’existence, 10 avril 2013, page 6.
Mot du rédacteur en chef, 1998 à 2000
Un vieux téléphone gris et une feuille de plywood
Quand j’ai commencé à Accès, j’y ai traîné un téléphone qui accumulait de la poussière dans ma cave et une feuille de plywood recouverte d’une pellicule de plastique fleuri pour me fabriquer un bureau. Ainsi qu’un ampli modèle 1968 et des colonnes de son en faux noyer brun caca. Car le journal n’avait pas un sou
En plus, on subissait les assauts d’une compétition agressive, bien établie et qui tentait de nous écraser par tous les moyens.
Car ce qui nous distinguait, c’était notre contenu. Nous pratiquions un journalisme dynamique, jeune, allumé, intéressant, branché, nerveux. Le ton de nos textes n’était pas complaisant et mielleux, comme c’était souvent le cas chez nos compétiteurs. Notre graphisme, le choix des sujets, le style de nos textes était en fait complètement révolutionnaires pour l’époque, dans les Laurentides. Personne n’avais jamais vu un journal comme ça!
On était drôles, baveux, pertinents. On brassait la cage! On a déguisé un maire en Elvis pour souligner l’Halloween. On a infiltré un club échangiste à la Saint-Valentin, bien avant que ce soit à la mode dans les médias. On a publié une caricature du Père Noël pissant sur la planète! Ou Youppi qui se flingue quand les Expos disparaissent. Pendant que les autres suggéraient les meilleurs pneus d’été, nous avions une histoire de l’automobile! Alors qu’ils pluguaient leurs annonceurs à la Saint-Valentin, on a organisé un concours des meilleurs célibataires. Plusieurs étaient nos clients!
On a exposé les politiciens d’une manière jamais vue dans la région. On a osé critiquer les gens d’affaires, même ceux qui annonçaient chez nous. On a valorisé la culture avant que ça devienne une mode. On a mis les artistes locaux à la une au lieu d’une poupoune en bikini les skis aux pieds.
On a pris des risques financiers inouïs, comme d’organiser des rallyes, des parades de Noël et des bals en blanc avec nos annonceurs et nos amis. Nos compétiteurs, eux, se contentaient de ramasser leur chèque chaque semaine et de publier des communiqués de presse insipides déguisés en articles.
On a aussi choisi de parler de sujets qui dérangent et dénoncé des comportements qui se sont traduits par une mobilisation générale. Un de nos articles a débouché sur une grande corvée de nettoyage du mont Loup-Garou à Sainte-Adèle, souillé par des pneus, des carcasses de vieux frigos et des déchets de toutes sortes. Et s’il y a une parade de Noël à Saint-Sauveur, c’est grâce à nous. C’est juste des exemples parmi tant d’autres.
On nous a traités de tous les noms, on a volé nos journaux dans leurs présentoirs, on a essayé de nous discréditer, on a prédit notre mort des dizaines de fois. Mais, en bout de ligne, les lecteurs apprécient notre style frondeur. Notre indépendance.
Accès n’a jamais fait de compromis, n’est jamais rentré dans le rang des petits journaux plattes, conservateurs, prévisibles et sans envergure. C’est ça que je retiens de mon passage chez Accès. Un des plus beaux moments de ma vie professionnelle. Car participer à la construction et à l’émergence d’un nouveau journal est une aventure peu commune et exaltante. Un souvenir que je vais chérir jusqu’à ma mort.
Longue vie à Accès Laurentides!