Le numérique et la mort ne font pas bon ménage, la suite

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mort

Publié dans le Journal de Montréal/Journal de Québec, Section Dans vos poches, 3 mars 2014

On peut lire l’article ici.

Votre oncle Gérard vient de mourir. C’était votre héros. Avec votre cousin, vous écrivez son éloge funèbre et vous l’affichez sur son mur Facebook. Les témoignages posthumes affluent. Les J’aime et les liens vers d’autres pages Facebook se multiplient. Quelqu’un a tweeté un bon mot.

Puis, vous et votre cousin, apprenez que vous êtes ses héritiers car tante Gertrude est partie l’an dernier. Mais il y a un hic, le liquidateur vous apprend que quelqu’un a vendu sa maison… le lendemain de sa mort. Impossible, mais vrai!

Cet exemple s’inspire d’un véritable cas qui m’a été conté par le notaire Michel Beauchamp, de l’étude Beauchamp et Gilbert. Des histoires comme celle-là se multiplient depuis la création de Facebook.

Pourquoi? Parce que les arnaqueurs disposent de technologies qui retracent les avis, messages et hommages entourant les décès d’utilisateurs Facebook. Dans une société qui nie la mort, celle-ci n’est pas bienvenue chez Facebook, LinkedIn ou Instagram. Car il est très difficile de faire fermer de telles pages au décès d’un proche. Détenir le mot de passe ne suffit pas. Il faut un certificat de décès. Et encore, le compte n’est souvent pas fermé mais gelé. Pendant ce temps, les fraudeurs s’en donnent à cœur joie.

Ainsi, ceux qui ont vendu la maison d’oncle Gérard ont probablement épluché les informations personnelles affichées au compte. Ils les ont recoupées avec d’autres informations glanées ailleurs. Car certains utilisateurs Facebook affichent leurs numéros de permis de conduire en ligne, surtout des ados, pour prouver qu’ils sont maintenant des adultes! Les fraudeurs ont pu se fabriquer un faux permis de conduire avec les informations personnelles de Gérard. Ils sont allés chez le notaire, qui a procédé à la vente. L’acheteur était un autre fraudeur. Un gros paquet d’argent a changé de mains et le notaire n’y a vu que du feu. Le liquidateur, lui, a dû dépenser 25 000$ pour tout remettre en ordre avant de confier la maison aux héritiers.

Comme les registres fonciers comportent des copies de documents avec signatures pour des dossiers qui remontent jusqu’en 2009, c’est facile de copier-coller une signature disponible sur Internet! Certains ados se procurent ainsi de faux permis de conduire pour 50$ : ils peuvent entrer dans les bars et se faire carter sans problème.

Essayez de récupérer le solde de 2000$ d’oncle Gérard qu’il détenait dans Paypal. Bonne chance si vous n’avez pas le mot de passe. Comme il n’était pas citoyen américain, la convention de La Haye de 1964 précise que votre liquidateur devra obtenir une lettre de vérification le certifiant dans son rôle. Cette lettre devra être attestée par la Chambre des notaires et certifiée par l’ambassade américaine. La facture sera plus élevée que le solde Paypal.

Des problèmes comme ceux-là se multiplient : des tas de gens vivent seuls (pas juste des personnes âgées) et ne communiquent avec leurs proches que par Skype. Ça complique le travail des liquidateurs. Imaginez si votre oncle Gérard avait des photos compromettantes sur Flickr ou Facebook… Comment les enlever avant le service funèbre si vous n’avez pas le mot de passe? C’est pratiquement impossible.

De plus, seul votre oncle savait qu’il avait un solde de 15 843,52$ dans une banque électronique, comme ING Direct ou ICICI. Il ne le consultait que par Internet. Pas d’état de compte papier. Pas de NIP sur un Post-It dans le fond d’un tiroir. Voilà un joli magot qui ira rejoindre les 532 M$ de soldes non-réclamés conservés à la Banque du Canada et les 267,7 M$ de biens non réclamés du Registre du ministère du Revenu du Québec. Comme la mort n’arrive toujours qu’aux autres, prenez-donc quelques minutes pour protéger vos biens des fraudeurs…

Nos conseils :

• N’affichez pas vos informations personnelles dans les réseaux sociaux : numéro civique, permis de conduire, date de naissance, noms de vos animaux domestiques, etc.

• N’utilisez pas le nom de vos enfants, animaux, lieu de naissance, compositeur préféré, date de naissance, noms de jeune fille de votre maman comme NIP.

• Conservez vos mots de passe et identifiants dans une application pour téléphone intelligent qui en fait une copie cryptée sur votre ordinateur (PasswordBox, 1Password, mSecure, Wallet, OneSafe, DataVault, eWallet).

• Conservez dans un coffret de sûreté à la banque le mot de passe de cette application (et ceux de vos compte iTunes, bancaires, réseaux sociaux et autres) ou envoyez-le au notaire qui le conservera avec votre testament dans sa voûte (c’est gratuit).

• Protégez votre ordinateur par un mot de passe, donnez ce mot de passe à votre notaire (ou dans le coffret de sûreté) et faites vos copies de sécurité chaque semaine.

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