Pas­cal Hu­don ne pen­sait pas de­ve­nir com­mer­çant

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Pu­blié sur le site web du Ré­seau M, 3 juillet 2018

On peut lire l’ar­ticle ici.

«J’ai grandi dans l’en­tre­prise fa­mi­liale sans pen­ser que j’al­lais uti­li­ser ce sa­voir-faire pour en faire un mé­tier», ex­plique Pas­cal Hu­don, alias Pas­cal le Bou­cher.

M. Hu­don a com­mencé à tra­vailler à 12 ans au sein de la bou­che­rie fa­mi­liale Les Épi­cu­rieux, à L’Île-Bi­zard. Son poste lui per­met de fi­nan­cer son sta­tut d’étu­diant : «J’ai étu­dié dans plu­sieurs do­maines, psy­cho­lo­gie, art dra­ma­tique, mu­sique, ki­né­sio­lo­gie… Puis, j’ai fait un cer­ti­fi­cat en ges­tion et pra­tique so­cio­cul­tu­relle de la gas­tro­no­mie. J’ai réa­lisé que la bouffe pou­vait tou­cher à l’en­vi­ron­ne­ment. J’ai alors dé­cidé que, par mon mé­tier, je fe­rais une dif­fé­rence et dé­ve­lop­pe­rais des com­por­te­ments éco­du­rables, no­tam­ment pour l’éco­no­mie lo­cale, l’iden­tité cultu­relle, le mar­ke­ting, le tou­risme. Je me suis dit qu’une bou­che­rie de­vait prendre ce vi­rage.»

Pas­cal Hu­don s’ins­crit d’em­blée à contre-cou­rant de l’agri­cul­ture ac­tuelle. Pour lui, la ren­ta­bi­lité à tout prix, sans te­nir compte de l’en­vi­ron­ne­ment, n’est pas sou­te­nable : «On veut juste pro­duire plus, on met des pro­duits chi­miques dans le sol, on les ap­pau­vrit. À long terme, ça ne fonc­tionne pas, car les sols perdent leur équi­libre na­tu­rel.»

Il re­tire aussi des le­çons du mou­ve­ment vé­gane : «On est dé­con­necté du rôle de l’ani­mal dans un sys­tème dés­équi­li­bré par la pro­duc­tion in­dus­trielle, dit-il. Le sys­tème ac­tuel gé­nère beau­coup de pol­lu­tion et gas­pille l’eau. Moi, je tra­vaille avec des éle­veurs qui sont proches de leurs ani­maux. Un bœuf élevé à l’her­bage, ça de­mande juste un peu de so­leil. L’ani­mal fer­ti­lise sa propre nour­ri­ture et crée ses pâ­tu­rages.»

Pour Pas­cal Hu­don, l’hu­ma­nité doit «re­ve­nir à la base», soit ache­ter de la viande du­rable et di­mi­nuer sa consom­ma­tion pour de­ve­nir un man­geur res­pon­sable.

Le suc­cès

Cer­tains pour­raient le qua­li­fier de doux rê­veur, mais Pas­cal Hu­don est en af­faires de­puis deux ans avec sa propre bou­che­rie, Pas­cal le bou­cher, rue Saint-De­nis, à Mont­réal. Et ça fonc­tionne.

«Il y a un en­goue­ment, une de­mande, une sen­si­bi­lité pour mon ap­proche, dit-il. Je pos­sède un com­merce de quar­tier et je connais le suc­cès. Je paie mes fac­tures, je donne de bons sa­laires à mes em­ployés, qui sont mo­ti­vés par notre mis­sion. Ça crée de l’en­thou­siasme au­tour de nous.»

Pas­cal le Bou­cher n’a pas choisi la voie fa­cile. Il a dû dé­ni­cher les bons fer­miers et les vi­si­ter, ga­gner leur confiance. Ce fut un défi, il le re­con­naît : «Au­jour­d’hui, des fer­miers que je ne connais pas font des dé­marches pour faire des af­faires avec moi.»

Dès le dé­part, le bou­cher avait un plan pré­cis quand il a ins­tallé son com­merce dans un an­cien sa­lon de coif­fure, qu’il a ré­nové de ses mains. Il veut même don­ner l’exemple par la ré­pu­ta­tion qu’il a ac­quise dans son in­dus­trie, et don­ner l’en­vie à d’autres bou­chers de prendre le vi­rage vert ou de se lan­cer en af­faires avec la même ap­proche.

«Mal­gré les dif­fi­cul­tés, je vis une sorte de conte de fées, car le chiffre d’af­faires est en constante pro­gres­sion. Tout se passe bien, je vis en ac­cord avec mes va­leurs, c’est ça la plus grosse ré­com­pense. Même si, pour moi, l’ar­gent est se­con­daire, j’ai quand même be­soin d’un bon fonds de rou­le­ment! Car je dois payer mes em­ployés et mes fer­miers ra­pi­de­ment. Mais même de ce côté, c’est ga­gnant

Pas­cal Hu­don re­con­naît qu’il a des fai­blesses, no­tam­ment la ges­tion et la te­nue de livres. «C’est vrai­ment mieux fait que si c’était moi. Je n’ai pas peur de dé­lé­guer et je crois avoir cette sen­si­bi­lité de m’en­tou­rer des bonnes per­sonnes, car une em­bauche ou une col­la­bo­ra­tion ne doit ja­mais être prise à la lé­gère.»

Le men­to­rat, ça ras­sure

Pas­cal Hu­don re­con­naît qu’il a avant tout fait ap­pel au men­to­rat pour se ras­su­rer lui-même sur ses propres choix : «Je vou­lais va­li­der mes idées, où je m’en al­lais avec mon pro­jet. J’ai deux men­tors, et ils me per­mettent, chaque mois, de ven­ti­ler! Juste de les voir ho­cher de la tête, ça me donne de la confiance…»

Il est men­toré de­puis l’ou­ver­ture de son com­merce et, mal­gré son ex­pé­rience et ses di­plômes, même s’il sa­vait où il s’en al­lait, il consi­dère que le men­to­rat fait toute la dif­fé­rence : «Cu­rieu­se­ment, je dé­teste prendre des risques.»

Le men­to­rat lui per­met aussi d’avoir un cer­tain re­cul, no­tam­ment dans le contexte d’une en­tre­prise en forte crois­sance, qui est très ac­ca­pa­rante. «Il faut aussi que je consacre du temps à ma blonde, ob­te­nir son ap­pui. Je consi­dère aussi qu’un en­tre­pre­neur doit im­pé­ra­ti­ve­ment pas­ser du temps avec ses en­fants. Dans cette op­tique, le men­to­rat est très avan­ta­geux sur le plan hu­main.»

 

Une col­la­bo­ra­tion de Sté­phane Des­jar­dins.

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