Montréal, plaque tournante mondiale de l’innovation techno
Publié dans HEC Mag, mai 2019, page 20
MONTRÉAL, SILICON VALLEY DE L’INTELLIGENCE ARTIFICIELLE (IA) ? DE NOMBREUX DÉCIDEURS Y CROIENT FERMEMENT : EN PLUS DE POSSÉDER PLUSIEURS ATOUTS STRATÉGIQUES, LA MÉTROPOLE A RÉUSSI À TISSER UN MAILLAGE UNIQUE AU MONDE ENTRE LES MILIEUX DE LA CULTURE, DES TECHNOLOGIES, DE LA RECHERCHE ET DES AFFAIRES. SI BIEN QU’ELLE SE POSITIONNE DÉSORMAIS COMME UN PÔLE PLANÉTAIRE EN EFFETS SPÉCIAUX, JEUX VIDÉO ET IA.
« Quand je vends Montréal, partout dans le monde, je mets principalement de l’avant notre talent : une main-d’œuvre diplômée, polyglotte, motivée et moins coûteuse que celle des autres capitales technologiques. Et c’est exactement ce que les entreprises et les investisseurs recherchent », affirme Hubert Bolduc, président-directeur général de Montréal International.
Et ce, sans parler des autres atouts qu’offre Montréal, notamment des coûts d’exploitation plus concurrentiels que dans la majorité des grandes villes du monde et un environnement plus sécuritaire.
« De plus, seul le Canada dispose d’accords de libre-échange avec tous les pays du G7 », souligne Céline Huot, vice-présidente, Stratégie et développement organisationnel, à la Chambre de commerce du Montréal métropolitain (CCMM). Soit un accès dédouané à quelque 1,5 milliard de consommateurs nord-américains, européens et asiatiques.
« La qualité de nos universités, des professeurs, de la recherche et du transfert de nos innovations universitaires vers le privé font aussi la différence », renchérit Hubert Bolduc. Montréal compte 11 institutions universitaires, 60 collèges et 320 000 étudiants de niveau postsecondaire. L’Institut Quacquarelli Symonds (QS) l’a même désignée meilleure ville universitaire du monde en 2018. « À ce chapitre, on accueille 37 000 étudiants étrangers, précise-t-il. De ce nombre, un finissant sur cinq choisit de rester après ses études. Cette main-d’œuvre hautement qualifiée se trouve donc intégrée depuis des années. »
La qualité de vie compte d’ailleurs parmi les critères les plus recherchés par la main-d’œuvre immigrante. « Montréal est une ville abordable, notamment pour les loyers, l’électricité et les garderies subventionnées », ajoute Céline Huot.
Dans cette industrie, Montréal se classe numéro un au pays et cinquième à l’échelle internationale. Quelque 200 studios y emploient 10 000 personnes, dont le plus important studio au monde, Ubisoft, et d’autres géants comme Eidos, Gameloft, Behaviour et Warner Bros.
DES SECTEURS-PHARES
Outre les jeux vidéo, les effets spéciaux et l’intelligence artificielle, Montréal se démarque dans d’autres domaines comme l’aérospatiale, où elle se positionne comme l’une des trois capitales mondiales avec Seattle (Boeing) et Toulouse (Airbus). Au total, cette grappe emploie 40 000 personnes et compte d’importants donneurs d’ordres et des PME de classe mondiale. Y gravitent aussi 65 organisations internationales, dont l’OACI et l’IATA, gardiens de la gouvernance mondiale dans l’industrie aérienne civile.
Dans ce domaine, Montréal est reconnue pour ses nombreuses applications : apprentissage et langage machine, cybersécurité, protection des données, éthique… Elles sont évidentes en sciences de la vie et dans la chaîne logistique. Par exemple, la voiture autonome : « L’Ontario a construit l’automobile d’hier, Montréal construira celle de demain », avance Hubert Bolduc. Montréal compte 11 000 étudiants universitaires en lien avec l’IA, la plus grande cohorte de chercheurs doctorants (plus de 300) sur la scène internationale et plusieurs leaders comme IVADO, Element AI, Stradigi AI et le Mila.
Pour les entreprises qui s’établissent dans la métropole, les coûts d’exploitation sont moins élevés, notamment sur le plan des salaires, de la fiscalité et des loyers commerciaux. Les crédits d’impôt font, évidemment, une grande différence. Un chercheur qui s’installe au Québec ne paie aucun impôt les deux premières années; son taux sera de 25 % la troisième et de 50 % la quatrième. « Pour attirer Amazon, nous avons fait valoir qu’il restera plus d’argent dans les poches d’un ingénieur qui s’installe ici avec sa famille que n’importe où ailleurs sur le continent », souligne Hubert Bolduc.
« Dans le secteur du multimédia, les incitatifs financiers initiés par Bernard Landry ont permis de constituer un écosystème assez imposant – Ubisoft, Warner, Electronic Arts –?duquel ont essaimé bon nombre de studios indépendants », rapporte Céline Huot.
FAIT PLUS MÉCONNU, LA MÉTROPOLE COMPTE LA PLUS IMPORTANTE POPULATION TRILINGUE DU CONTINENT. EN CHIFFRES ABSOLUS, IL Y A ÉGALEMENT PLUS D’ANGLOPHONES À MONTRÉAL QU’À VANCOUVER!
HUBERT BOLDUC
Montréal International
? MBA 2004 ? 46 ans
Alors que l’immigration américaine repose sur une loterie, elle est alignée ici sur les besoins de main-d’œuvre. « Dans un secteur où il y a pénurie comme en intelligence artificielle, une personne peut espérer s’installer à Montréal en une dizaine de jours », précise le PDG de Montréal International. Pas étonnant qu’Element AI, la firme cofondée par Yoshua Bengio, chercheur vedette en intelligence artificielle, reçoive actuellement environ 4 000 CV par mois ! Dans le domaine du savoir, le talent attire le talent… et les investissements ! Si s’établir à Montréal vaut le coup pour Facebook, Google et Microsoft, les autres devraient suivre.
C’est justement sur cette masse critique de cerveaux que Montréal table pour se positionner sur la scène internationale. Déjà, la métropole compte tous les leaders mondiaux de l’IA, des effets spéciaux et du jeu vidéo. « Un jeune programmeur tout juste diplômé de la Sorbonne ou de Poly Paris qui aspire à travailler sur le prochain Assassin’s Creed saura où mettre le cap », affirme-t-il.
La métropole effectue une remontée dans le domaine des sciences de la vie et technologies de la santé, et se positionne comme une destination de calibre mondial auprès des investisseurs étrangers, notamment grâce au CHUM et au CUSM, deux super hôpitaux à la fine pointe de la technologie. De véritables aimants pour les études cliniques.
RETOMBÉES CULTURELLES
Autre avantage : « Notre culture est reconnue non seulement comme une industrie à part entière, mais aussi pour ses liens étroits avec le milieu des affaires, souligne Céline Huot. Ce modèle est d’ailleurs étudié et envié partout dans le monde, car cette grande créativité imprègne d’autres industries, comme l’événementiel, l’IA, les jeux vidéo et les effets spéciaux. Montréal est une collection de petits villages où tout le monde se connaît, s’influence. »
Côté langues, Montréal a aussi plusieurs points forts. La majorité des Européens francophones perçoivent cette ville comme LA porte d’entrée en Amérique du Nord. « Fait plus méconnu, la métropole compte aussi la plus importante population trilingue du continent, précise Hubert Bolduc. En chiffres absolus, il y a plus d’anglophones à Montréal qu’à Vancouver! »
NOTRE CULTURE EST RECONNUE NON SEULEMENT COMME UNE INDUSTRIE À PART ENTIÈRE, MAIS AUSSI POUR SES LIENS ÉTROITS AVEC LE MILIEU DES AFFAIRES.
CÉLINE HUOT
organisationnel, CCMM
? M. Sc. Marketing 2005 ? 38 ans
À la lumière de ce portrait, une évidence s’impose : « Montréal a le vent dans les voiles, elle rayonne. Mais il ne faut pas pour autant se reposer sur nos lauriers », croit Céline Huot, qui souhaite un allègement de la réglementation pour favoriser encore davantage l’innovation et l’agilité de nos entreprises. Il reste aussi quelques dossiers prioritaires, comme celui d’accroître la diplomation aux niveaux secondaire et postsecondaire. « Pour gagner la bataille planétaire du talent, il nous faut indéniablement plus de diplômés dans les secteurs de pointe », conclut Hubert Bolduc. ?
Juste avant les Fêtes, Pixmondo, connue pour les dragons de Game of Thrones, ouvrait un tout nouveau studio d’effets visuels à Montréal. Ce secteur, qui embauche plus de 25 000 travailleurs – dont 4 000 spécialistes en 2D-3D –, se positionne comme chef de file en Amérique du Nord (objectif de 5 000 spécialistes en 2020, selon le BCTQ). La métropole compte d’ailleurs plusieurs acteurs de calibre mondial, comme Cinesite, Framestore, Reel FX, Scanline VFX, Technicolor/MPC, Hybride, Double Negative, Digital Dimension, Mathematic Studio, Rodeo FX… Par ailleurs, c’est aux montréalaises Softimage et Discreet Logic, toutes deux acquises depuis par Autodesk, que nous devons la création des tout premiers effets spéciaux numériques dans les années 1980.