Benjamin Chalier : un modèle d’adaptation

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Publié dans le site web de l’Indice entrepreneurial québécois, 25 mars 2021

On peut lire l’article ici.

Durant le grand confinement, tout s’est arrêté pour FoodRelay. Mais Benjamin Chalier a su adapter son entreprise du jour au lendemain, pour coller aux besoins des télétravailleurs.

Q. Qu’est-ce que FoodRelay?

FoodRelay est une plateforme qui aide les entreprises à nourrir leurs employés au quotidien, surtout les PME de moins de 400 employés qui n’ont aucune cafeteria ou service alimentaire. FoodRelay permet de commander des repas sur une base collective, quotidiennement ou pour des rencontres d’affaires. La PME de Montréal dispose d’une cuisine centrale et livre ses repas, chauds pour la plupart, dans toute la région métropolitaine. L’entreprise a une centaine de clients et a triplé ses revenus depuis son lancement, en 2017. Benjamin Chalier est président.

Q. Depuis un an, comment résumes-tu ta vie d’entrepreneur?

Ce fut une année où il y a eu beaucoup de remises en question. Avec tous ces bouleversements, ça nous force à voir certaines réalités, à revisiter des choses qu’avec le temps, on a glissées sous le tapis. Car, au jour le jour, comme entrepreneur, on se concentre surtout sur les urgences. Puis survient cette grosse incertitude pour notre marché et il a fallu vivre avec ça. Mais on a rapidement regardé les opportunités. J’ai finalement compris que c’était plutôt motivant d’imaginer le monde de demain.

Q. Comment s’est déroulée cette dernière année sur le plan personnel?

Pour moi, ce ne fut pas trop mal. Mais pour certains de mes employés, c’était beaucoup plus dur. Au sein de mon entourage, on a constaté que j’avais pris du recul et on me l’a fait remarquer… C’est que, depuis mars 2020, j’ai réduit mes journées de travail. J’essaie de décrocher les fins de semaine. Et je trouve ça très plaisant, constructif. On se rend compte qu’il y a autre chose dans la vie que la business.

Quand notre entreprise vit une forte croissance, on travaille intensivement. On y consacre tout notre temps. Avec la pandémie, ça m’a permis de retrouver mes amis, de me concentrer sur certaines activités que j’avais mises de côté.

Q. As-tu eu du soutien, notamment gouvernemental, et a-t-il fait une différence?

On a eu le Compte d’urgence pour les entreprises canadiennes (le fameux prêt de 40 000$) ainsi que les subventions salariales. On a pu ainsi conserver une bonne base d’employés. Nous sommes également appuyés par le Programme d’aide à la recherche industrielle (PARI) du Centre national de recherches du Canada (CNRC) pour notre développement technologique en gestion de cuisine et en ventes.

J’aurais aimé que nos bureaux rouvrent plus rapidement (dit-il en riant). Je suivais comme tout le monde les annonces quotidiennes du gouvernement et, sur certains points, j’aurais aimé plus de transparence. Mais je constate aussi que les entrepreneurs n’ont pas été oubliés dans cette crise. On a eu de l’aide.

Q. Quels furent les changements pour ta compagnie avec la Covid-19?

En 24 heures, on a perdu 98% de nos revenus. Ça s’est passé le 15 mars. On en a récupéré 25% depuis cette date.

On a bénéficié de financement privé et public pour passer au travers. On a la chance d’être accompagnés. Mais on a dû repenser tous les aspects de notre entreprise. Malgré tout, on ne fermera pas.

Ça n’a pas été facile et, au-delà des clichés, on s’est réellement réinventés! Le marché qu’on exploitait a disparu d’un coup et il ne sera pas entièrement là à la reprise. C’est certain qu’on doit composer avec beaucoup d’incertitude.

En fait, toutes les notions liées à la gestion de crise, on les a vécues. On a subi des épreuves très intenses et on a survécu. Car on s’est adaptés.

Il a fallu faire évoluer notre proposition d’affaires. On a offert à nos clients d’implanter une nouvelle allocation hebdomadaire pour les télétravailleurs. Au lieu de recevoir leur repas au bureau, on leur livre à la maison. On ne livre plus en temps réel à chaud, après avoir commandé deux heures à l’avance. Désormais, l’employé peut commander jusqu’à midi la veille.

On a complètement changé notre logistique pour nos tournées de livraisons. Avant, on accommodait de 20 à 30 adresses quotidiennes. Aujourd’hui, c’est 100 à 300. Avant, on livrait de grosses quantités. Maintenant, ce sont de petits paniers. Par contre, l’allocation doit être suffisamment importante pour garantir une valeur minimale à chaque panier. Nous sommes devenus une sorte de GoodFood des entreprises, mais sur une base quotidienne, si vous voulez…

Q. Comment vois-tu le futur de ton entreprise?

Après avoir connu une décroissance soudaine et abrupte, j’espère qu’on revivra une très forte croissance, malgré les habitudes nouvelles, comme le télétravail.

Mais, on a vu qu’ailleurs dans le monde, avec le retour à la normale, l’activité repart de plus belle et assez rapidement. C’est pour ça qu’on prévoit qu’on va redevenir un service important pour les entreprises, malgré les incertitudes : quel sera le bureau de demain, où l’employé travaillera-t-il, les entreprises vont-elles se décentraliser complètement grâce au télétravail?

Personnellement, je crois que le retour en milieu de travail a du sens : une entreprise, c’est avant tout une culture qui se nourrit aux interactions humaines. C’est difficile à combler avec le télétravail. Dans les années 1980 et 1990, plusieurs études ont été réalisées sur le travail à distance. Les chercheurs ont constaté l’effondrement des cultures d’entreprises et les pertes sur le plan de l’innovation. Il y a des aspects positifs à se présenter chaque jour au travail. Je crois qu’on va connaître une période où les gens vont télétravailler un certain nombre de jours, mais se présenter quand même massivement au bureau. Les conditions de travail des salariés de demain sont encore à réimaginer. Mais un fait demeure : les gens ont besoin de se rassembler au boulot. Et ils auront encore faim. Et nous serons là pour les nourrir!

D’autant plus que la nourriture est un besoin fondamental, qui se vit socialement. Durant la pandémie, les gens auront été esseulés assez longtemps pour qu’ils soient enthousiastes à partager un repas avec leurs collègues. Comme entrepreneur, ce genre de réflexion me permet de garder le cap et de me poser les bonnes questions : l’entreprise a une vie et représente un environnement social, donc ce que nous offrons est fondamental et il faut continuer. J’y crois plus que jamais.

Q. La Covid-19 a-t-elle éteint ou allumé ta flamme d’entrepreneur?

Il n’y a pas de réponse claire : elle ne l’a ni éteint ni allumé. Elle brillait bien avant!

Avant la Covid, j’ai connu des passages difficiles comme entrepreneur. On passe tous par là quand on est en affaires. Quand on voit les succès des entreprises, on oublie qu’elles ont mis dix ou quinze ans à se bâtir. Je sais qu’on va ressortir plus fort de cette crise.

Pour revenir à votre question : j’ai toujours eu cette flamme. La Covid a juste donné un petit souffle supplémentaire.

 

Entrevue réalisée et écrite par Stéphane Desjardins.

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