REER de Fondaction: ce qu’il faut savoir en 2022

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Publié dans le blogue de Hardbacon, 27 janvier 2022

On peut lire l’article ici.

Est-ce une bonne idée d’investir dans Fondaction pour son un régime enregistré d’épargne-retraite (REER)? Certains experts considèrent qu’un investisseur débutant devrait consacrer son premier 5 000 $ à un fonds de travailleurs comme Fondaction. Pourquoi ? Les avantages fiscaux potentiels de 30 % et plus. Faisons quelques calculs pour voir si cet argument tient la route.

Un investissement de 5 000 $ dans un REER Fondaction permet d’obtenir un crédit d’impôt de 30 % : 15 % au fédéral et 15 % au provincial. Par exemple, pour une déduction du salaire hebdomadaire de 96,15 $ pour un montant annuel de 5 000 $, le coût net estimé est de 2 123,50 $ pour un salaire annuel de 35 000 $ au taux d’imposition de 27,53 %. Pour une personne qui contribue 5 000 $, les avantages qu’il pourra obtenir grâce au crédit d’impôt relatif à un fonds de travailleurs sera de 750 $ au Québec et de 750 $ au fédéral, avec un total de 1 500 $. Vous pouvez bénéficier d’avantages fiscaux allant de 57 % à 83 % du montant investi.

Mais si votre employeur accepte d’instaurer un REER collectif et de contribuer en votre nom, vous pouvez bénéficier alors d’un crédit d’impôt additionnel de 30 % sur sa contribution.  Si l’on tient compte des taux effectifs marginaux d’imposition et de différents crédits d’impôt, certaines personnes qui contribuent à Fondaction avec leur REER et qui bénéficient de la cotisation de l’employeur ont des retours d’impôts allant parfois de 87,53 % à 113 %. Il est difficile de trouver un placement qui peut offrir un tel avantage et qui est destiné aux gens ordinaires.

Le rendement

Du point de vue du rendement, mesure suprême pour tout investisseur, Fondaction représente un excellent placement. Pour la dernière année, le rendement de la dernière année fut de 17 % au 30 novembre 2021, excluant la déduction REER. Sur trois ans, le rendement composé annuel est de 11,6 %, 9 % sur cinq ans et 5,9 % sur 10 ans.

En tenant compte des crédits d’impôt, excluant la déduction REER, un actionnaire qui souscrit par épargne systématique chaque deux semaines aurait obtenu un rendement composé annuel de 16,6 % sur 10 ans. La Fondaction est rentable depuis longtemps. Selon les chiffres émis en 2020, incluant un crédit d’impôt de 35 %, un travailleur qui investit dans Fondaction à deux ans de sa retraite obtiendra un rendement composé annuel de 24 %, distinct rendement du fonds! À sept ans de la retraite, l’avantage fiscal se traduit par un rendement composé annuel de 6,3 %, ou de 2,9 % sur 15 ans.

La mécanique

Lorsque l’on investit dans Fondaction, on en devient actionnaire. Mais il y a des conditions. D’habitude, vous ne pouvez retirer votre argent avant votre retraite à 65 ans. Toutefois, il y a toujours des cas où vous pouvez effectuer un rachat hâtif à l’âge de 45 ans.

Il y a toutefois des exceptions : invalidité physique ou mentale grave et prolongée vous rendant inapte au travail, maladie terminale, perte d’emploi, diminution involontaire des heures travaillées, divorce ou séparation entraînant une chute de 30 % des revenus familiaux sur une longue période, lancement d’une entreprise ou retour aux études.

Cette impossibilité de retirer son argent constitue la principale faiblesse des fonds de travailleurs québécois. À cause de cela, de nombreux conseillers suggèrent d’y investir seulement lorsqu’on est à quelques années de sa retraite. D’autres estiment qu’ils ont tout faux et qu’il faut y investir dès que possible. Le débat n’est pas tranché et on y revient plus loin.

Malgré cela, Fondaction est si populaire que, depuis décembre 2021 et jusqu’au 31 mai 2022, on ne peut plus y souscrire par un montant unique. On doit donc faire une nouvelle cotisation par versements périodiques ou par retenue de salaire, pour un maximum de 416,67 $ par mois. La formule de versement périodique, hebdomadaire, bihebdomadaire ou mensuel, a ses avantages, car elle répond à un des principes fondamentaux du placement : investir régulièrement toute l’année permet, en principe, de mitiger les risques et de bénéficier d’un rendement plus élevé. Pour cotiser par retenue de salaire, on doit le demander à son employeur. Toutes les opérations se font directement en ligne sur le site de Fondaction.

Possible de RAPer

Un actionnaire de Fondaction qui veut acheter une première propriété conserve l’option de se prévaloir du Régime d’accès à la propriété (RAP). Ce régime permet de piger dans son REER jusqu’à 35 000 $; vous devez alors rembourser votre REER-Fondaction sur une période de 15 ans, à partir de la deuxième année suivant votre retrait RAP.

Fait à noter : en remboursant un retrait RAP fait dans une autre institution financière dans un REER Fondaction, vous pouvez obtenir un crédit d’impôt de 30 % sur le montant de votre remboursement. Cela permet de bénéficier d’une économie de 10 500 $ sur 15 ans. Ce remboursement annuel permet de cotiser à nouveau à votre REER ou de rembourser des dettes, par exemple.

Retombées tangibles

L’Institut de recherche en économie contemporaine (IREC) évalue que Fondaction a investi un milliard de dollars dans 289 petites et moyennes entreprises (PME), coopératives, ou organismes à but non lucratif (OBNL), ce qui a permis de maintenir ou créer 59 224 emplois en 2020-2021, pour des recettes fiscales de 261,5 M$ pour les gouvernements fédéral et provincial.

À ce jour, Fondaction a investi dans environ 2 500 entreprises, dont 188 investissements directs, et comptait 194 600 actionnaires au 30 novembre 2021, pour un actif net de 3,34 milliards. La valeur de l’action, révisée chaque semestre, se chiffrait à 16,46 $ au 23 décembre 2021.

Les critiques des fonds de travailleurs ont longtemps soutenu qu’il s’agit de capital de risque. Les dirigeants de ces fonds le reconnaissent, mais parlent plutôt de capital patient. L’actif se compose de 44,4 % de titres privés et d’investissements dans des fonds spécialisés ou partenaires, 10,3 % d’entreprises québécoises côtées en Bourse, 20,8 % de titres à revenus fixes comme des obligations et des dettes de pays mergents, et 24,5 % de placements privés. Au 31 mai 2021, la partie du portefeuilleque Fondaction appelle ses investissements en capital de développement (ICD), qui comptent pour 45,7 % de ses actifs totaux, était répartie comme suit : 46,7 % dans des fonds d’investissement, 35,1 % dans des entreprises et 18,2 % dans 41 entreprises québécoises cotées en Bourse.

Pour ce type de placement, 35,6 % étaient des entreprises technologiques et de la santé, 19,7 % dans le secteur de la consommation, 19,1 % étaient des industries et 14,7 % étaient actives dans l’immobilier et les services. Une part minuscule des actifs se retrouve dans les instruments financiers dérivés, soit 1,2 M$, et le marché monétaire à 5,1 M$.

Quelques exemples d’actifs :

  • Fonds d’actions mondiales sans combustibles fossiles Montrosco Bolton
  • Fonds AlphaFixe Obligations vertes
  • Fonds Hexavest mondial tous les pays sans énergie fossile
  • Agropur (coopérative agroalimentaire)
  • Eddyfi (technologies non destructives d’inspection des infrastructures)
  • WR Transformateurs (transformateurs électriques de type sec, plus sûrs pour l’environnement)
  • Equisoft (solutions logicielles d’assurance et d’investissement)
  • Still Good (agroalimentaire durable)
  • Prana (agroalimentaire)
  • Viandes biologiques Charlevoix (agroalimentaire)
  • Kanuk (confection)
  • Fonds immobilier Angus
  • Novacap (fonds d’investissement visant les PME)
  • Sollio (coopérative agroalimentaire)

Les origines

Les fonds de travailleurs, Fondaction et Fonds de Solidarité FTQ, font partie de l’histoire du Québec moderne et de la fameuse « société distincte » que forme le peuple québécois. Le fonds de solidarité FTQ a été créé en 1983 par la Fédération des travailleurs du Québec (FTQ), la plus grande centrale syndicale québécoise. Fondaction a été lancé en 1996 par l’initiative de la Confédération des syndicats nationaux (CSN), l’autre grande centrale syndicale québécoise, réputée plus à gauche.

Le Fonds de solidarité a vu le jour dans une période où l’économie québécoise était très perturbée par une très dure récession durant laquelle la Banque du Canadamenait une politique agressive de lutte contre l’inflation, qui atteignait un sommet de 30 ans à 11,5 %. Les taux d’intérêt avaient grimpé jusqu’à plus de 20 %, le taux de chômage se situait autour de 20 %. Dans certaines régions du Québec, la proportion de chômeurs et d’assistés sociaux représentait 40 % de la population, un jeune québécois sur cinq ne travaillait pas, de nombreuses entreprises fermaient ou déménageaient dans des pays pauvres, les gouvernements affichaient des déficits monstres. Fondaction est arrivé à la fin de cette période difficile.

Dans ce contexte, les grandes centrales syndicales ont élaboré un modèle unique au monde, par lequel les travailleurs peuvent investir pour leur retraite tout en créant ou en maintenant des emplois. Cette proposition révolutionnaire en laissait plus d’un sceptique.

Pour recruter des investisseurs, les nouveaux fonds de travailleurs ont établi des réseaux de bénévoles, souvent des délégués syndicaux. Fait capital : les centrales syndicales réussirent à convaincre le gouvernement d’accorder de généreuses déductions fiscales aux épargnants qui investissaient dans les fonds de travailleurs. Par cette seule mesure, ces fonds constituent, dès leur lancement, un placement très avantageux.

Finance transformationnelle

Il existe des différences entre le Fonds de solidarité FTQ et Fondaction. Dès le départ, Fondaction se situait beaucoup plus à gauche que le Fonds de solidarité. Lorsque Fondaction fut lancé, en 1996, il visait clairement à appuyer le développement social et pas juste économique. À l’époque, c’était vu par nombre de spécialistes comme un désavantage: investir dans l’économie sociale pouvait-il se traduire par des rendements intéressants, surtout pour la retraite?

D’autant plus que la clientèle cible est constituée de gens ordinaires. Cet aspect de sa mission deviendra, un quart de siècle plus tard, son principal atout. Fondaction utilise ainsi le capital confié par ses actionnaires dans le but de transformer positivement l’économie vers des valeurs sociales plus inclusives, plus équitables et plus vertes. Pour ses dirigeants, investir dans Fondaction est une manière de vivre sa retraite en agissant sur le monde. Et l’écrasante majorité des investissements sont effectués en sol québécois.

Avec le temps, Fondaction est devenu une référence internationale en matière d’investissement responsable. L’institution était le seul investisseur québécois à faire partie de la délégation au Sommet sur les changements climatiques (COP 26) de Glasgow en octobre 2021. Et c’est la seule institution canadienne à siéger au Conseil des investisseurs du Global Impact Investing Network (GIIN), la référence mondiale en investissement d’impact.

Car pour Fondaction, il ne s’agit plus de se conformer aux principes de développement durable. L’institution s’inscrit dans la mouvance de l’investissement d’impact : elle fut la première institution québécoise à créer une équipe en ce sens, en novembre 2020. Elle a donc passé tous ses placements au peigne fin et standardisé ses critères d’investissement en utilisant des règles comme celles du International Sustainability Standards Board. Conséquemment, en 2015, Fondaction s’est départie de tous ses titres de sociétés détenant des réserves dans les énergies fossiles.

En septembre 2021, Fondaction a déclaré qu’elle estimait que son empreinte carbone représentait 22 tonnes de GES par million de dollars investi, comparé à 72,7 tonnes de GES par million investi pour l’indice S&P TSX. En apparence, c’est une belle réalisation, qui témoigne que Fondaction est à des années-lumière de l’écoblanchiment observé chez certains fonds communs de placement ou fonds négociés en Bourse (FNB) offerts sur le marché dans la catégorie des fonds verts. Mais rappelons-nous que la Bourse canadienne en est une de ressources naturelles, où les titres des énergies fossiles et des mines, des activités très polluantes, sont surreprésentés.

Critères ESG

Dans son rapport annuel, Fondaction décrit une grille d’analyse de 35 critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) sur lesquels les gestionnaires se basent pour sélectionner leurs placements, développés par le GIIN : on parle ici de pauvreté, de lutte contre la faim, d’accès à la santé et à l’éducation de qualité, d’égalité des sexes, d’eau propre, d’énergie propre et abordable, d’un travail décent, d’économie circulaire, de la lutte aux GES, de la protection de la faune et de la flore, etc.

Pour donner l’exemple, Fondaction a atteint la parité femme-homme à toutes ses instances. Les plus hauts échelons sont occupés par des femmes : Caroline Senneville est présidente du conseil d’administration et Geneviève Morin est présidente-directrice générale.

Fondaction a aussi selectionné des domaines économiques où elle entend réaliser le plus d’impacts : l’agroalimentaire durable, la lutte contre les changements climatiques, les villes et communautés durables, la santé et le bien-être. L’institution a notamment contribué à mettre sur pied dans des organismes comme la Société de financement et d’accompagnement en performance énergétique (SOFIAC), qui aide les organisations à augmenter leur efficacité énergétique en abandonnant notamment les énergies fossiles, le Fonds économie circulaire, qui vise la réduction des GES en investissant dans les PME en démarrage, le Fonds Coop Accès Proprio, qui investit dans un nouveau concept de coopératives d’habitation regroupant des propriétaires, dont de jeunes familles.

Pas le seul de vos placements

En fin de compte, en matière de placement, un investisseur avisé doit tout de même appliquer un principe vieux comme le monde : ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier. Peu importe les alléchants avantages fiscaux de Fondaction.

Sinon, investir uniquement dans Fondaction entraîne une réflexion sur la constitution d’un fonds pour parer aux urgences personnelles. À une époque où le niveau d’endettement actuel des ménages canadiens est de 177,2 %, soit 1,77 $ de dette pour chaque dollar gagné au 3e trimestre de 2021, et où un Québécois sur quatre vit d’un chèque de paie à l’autre, il est impératif de se constituer un trésor de guerre en cas de perte d’emploi ou d’invalidité. Car il serait regrettable de retirer vos billes de Fondaction et cela entraînerait de lourdes pénalités fiscales. Et, petit rappel : on n’utilise pas sa marge de crédit comme fonds d’urgence.

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