Un Roundup « léger » vendu dans nos quartiers
Publié sur le site web du Journal des Voisins, 27 juin 2022
Toutes les quincailleries de l’arrondissement offrent du Roundup, un herbicide. Toutefois, il s’agit probablement de la version sans glyphosate, car la vente de la version originale de cet herbicide (avec glyphosate) est interdite à Montréal depuis janvier.
Le Roundup, un produit vendu depuis 1974 par la société Monsanto, une filiale du géant allemand de l’industrie chimique Bayer, est un herbicide très populaire (c’est le plus vendu pays), car son efficacité est redoutable et sa marque de commerce est bien connue des consommateurs.
Un lecteur nous alertait, le 5 juin dernier, photo à l’appui, de la présence de Roundup dans une quincaillerie d’Ahuntsic. Le JDV a effectué une tournée pour constater que plusieurs commerces en vendent en grande quantité dans l’arrondissement, notamment Réno-Dépôt, Home Depot, Canadian Tire. Seule la quincaillerie Rona Major, dans Ahuntsic, nous a affirmé ne pas vendre le produit, malgré le fait qu’il soit encore offert en ligne.
Deux versions
Une recherche plus poussée nous a permis de constater qu’il existait deux versions de ce produit : celle avec le glyphosate (interdite) et celle avec l’acide acétique, qui se nomme Roundup Advanced. La vente de ce dernier produit est tolérée à Montréal. Il faut donc bien lire l’étiquette.
Toutefois, s’il s’agit bien de Roundup avec glyphosate, les citoyens peuvent composer le 311 en laissant leur adresse courriel, le nom et l’adresse du commerce concerné, indique Annie Brouillette, porte-parole de l’arrondissement d’Ahuntsic-Cartierville. Les fonctionnaires effectuent un suivi systématique des demandes à ce service. La vente de pesticides est contrôlée par le Bureau de la transition écologique et de la résilience (BTER) de Montréal.
« Les citoyens confondent régulièrement le Roundup et le glyphosate. Il est donc très probable que les produits aperçus ne soient pas du glyphosate, reprend Mme Brouillette. Tous les commerces vendant des pesticides de classe domestique ont été visités par l’équipe du BTER. »
L’acide acétique est la principale composante du vinaigre. C’est une des plus vieilles substances utilisées pour conserver les aliments (les Romains l’appelaient acetum) et un puissant antiseptique et désinfectant. Comme herbicide, il entraîne une dissolution rapide de la membrane cellulaire, qui mène à la mort de la plante.
Un produit nocif
L’ingrédient actif du Roundup original est donc le glyphosate, précise Bayer sur son site web. Ce produit chimique s’attaque à une enzyme qui est essentielle à la croissance des plantes.
En 2015, l’Organisation mondiale de la santé a déclaré que le glyphosate était probablement cancérigène. Il contribuerait à la formation de lymphomes non hodgkiniens (cancer du sang). Il perturberait aussi les systèmes endocriniens, hormonaux et digestifs. Il serait aussi associé à des malformations congénitales. De multiples études scientifiques sont en cours pour confirmer ses effets sur le corps humain.
Monsanto fait face à des poursuites un peu partout dans le monde, dont un spectaculaire procès de 280 millions $US en Californie en 2018, intenté par un jardinier attribuant son cancer à une exposition au glyphosate. En juin 2020, Bayer a mis fin à 175 000 réclamations américaines, prévoyant payer jusqu’à 10,9 milliards $US (14,9 milliards $CAN) de compensations. Cinq demandes de recours collectifs sont en attente d’approbation au Canada.
Le vendredi 17 juin, une cour d’appel fédérale américaine basée en Californie rejetait une conclusion de l’administration Trump selon laquelle le Roundup ne posait pas de risque grave pour la santé humaine. La cour a donc ordonné à l’Agence américaine de protection de l’environnement de revoir sa position de 2020, parce qu’elle aurait esquivé ses obligations en vertu de la loi sur les espèces en voie de disparition, en statuant que le glyphosate ne posait pas de risque pour le cancer.
Quatre jours plus tard, la Cour suprême des États-Unis rejetait un appel de Bayer au sujet de milliers de poursuites tournant autour du caractère cancérigène présumé du Roundup.
Selon Équiterre, 36,6 % des produits à base de céréales, 47,4 % des légumineuses, 11 % des produits de soya et 31,7 % des céréales pour enfants contiendraient du glyphosate. En 2019, Radio-Canada révélait que le tiers des aliments testés par l’Agence canadienne d’inspection des aliments contenait des traces de cet herbicide, mais seulement 0,5 % au-delà des limites permises.
En septembre 2021, Montréal adoptait un règlement interdisant la vente et l’utilisation, sur son territoire, de tout produit contenant un des 36 ingrédients actifs contenus dans 109 produits commerciaux, dont le Roundup. Le règlement est effectif depuis le premier janvier. Signalons que la Ville de Montréal aurait inspecté tous les lieux de vente de pesticides sur son territoire après l’adoption du règlement, signale la porte-parole de la Ville, Mélanie Dallaire.
En 2021, la ville de Laval a également interdit le glyphosate.