Manhattan dans Ahuntsic-Cartierville, oubliez ça!

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Publié sur le site web du Journal des Voisins, 28 septembre 2022

On peut lire l’article ici.

S’il n’en tient qu’à l’administration Thuillier, le projet Voltige et sa tour de condos de 27 étages sera le premier et le dernier du genre dans l’arrondissement.

L’important complexe résidentiel de quatre phases, angle Sauvé et de l’Acadie, érigé à la place d’un ancien centre commercial décrépit fait beaucoup jaser dans le quartier. Est-ce le genre de densification urbaine que l’on souhaite pour l’arrondissement?

Québec dévoilait, quelques semaines avant les dernières élections, sa politique d’aménagement du territoire, qui entend freiner l’étalement urbain et mousser le principe de densification. La politique, proposée par le gouvernement Legault, a surpris, étant donné que Québec venait d’autoriser le dézonage agricole dans la MRC de Montcalm, une 3ecouronne de banlieue, pour permettre la construction de bungalows. D’autant plus que le ministre des Transports du premier gouvernement de la CAQ, François Bonnardel, qualifiait la densification de « mode ».

Mais pour Émilie Thuillier, mairesse de l’arrondissement, un projet comme Voltige ne représente absolument pas le type de densification souhaitée sur notre territoire.

« Le quartier le plus dense au pays, c’est le Plateau-Mont-Royal, qui est une mer de plex et qui compte très peu de tours. C’est la preuve qu’on peut densifier sans miser sur des immeubles en hauteur », expliquait-elle au Journal des Voisins en pleine campagne électorale québécoise, à la mi-septembre.

Pénurie de logements

L’enjeu est important. Le Québec connaît une grave pénurie de logements. Le phénomène marque aussi l’arrondissement, qui subit des pressions de toutes sortes liées à la spéculation foncière. Les projets controversés se succèdent. Or, le contexte du financement municipal et d’un marché immobilier qui ne répond pas à la demande favorise l’érection de tours de condos et d’appartements de luxe, et même de coops d’habitation en hauteur.

La mairesse rappelle que Projet Montréal a voté un Règlement de la Métropole Mixte (RMM) qui oblige les promoteurs de grands projets à en consacrer une part au logement social ou abordable. L’opposition, Ensemble Montréal, a voté contre ce règlement, précise-t-elle. Mais ce règlement, qui est entré en vigueur en avril 2021, n’a pas encore livré ses fruits dans Ahuntsic-Cartierville. Faut-il pour autant miser sur des tours?

« Des tours, on en accepte quand les projets sont bien ficelés, reprend la mairesse. Le projet Voltige comprend tout de même des services de proximité, au sein de l’immeuble ou à distance de marche. Un projet comme la Cité l’Acadie (angle Acadie et Henri-Bourassa) est par contre l’exemple de ce qu’il ne faut pas faire : il y a zéro service de proximité sur le site. »

Pour la mairesse, la densification ne passe pas par des tours de 25 étages, d’ailleurs exclues du plan d’urbanisme, mais davantage par des quartiers aux usages et aux immeubles diversifiés. Elle donne l’exemple des consultations prévues pour le prochain plan particulier d’urbanisme (PPU) du District Central, qui englobe le Marché Central et le quartier Chabanel. Le secteur abrite déjà des immeubles de dix ou quinze étages. Les hauteurs proposées ne changeront pas. Mais il est possible de modifier la vocation d’immeubles existants et de développer plusieurs friches de manière assez dense.

Pour le Marché Central, Mme Thuillier ne cache qu’elle aimerait voir disparaître les mers de stationnement actuelles. La tendance mondiale va d’ailleurs dans ce sens : partout, on érige des immeubles à vocations multiples et des parcs sur les îlots de chaleur urbains que sont les stationnements de centres d’achats. Quitte à envoyer les voitures en sous-sol, comme au centre commercial Dix-30.

Projet Montréal ne fait pas de mystère quant à transformer les environs des gares Ahuntsic et Chabanel en TOD (l’expression signifie transit-oriented development, soit un urbanisme axé avant tout sur les transports collectifs et actifs). Le document de planification détaillée, publié en février, fait état d’un développement échelonné sur 20 ans avec une nouvelle trame verte de 27 hectares, la création potentielle de 9 000 logements et 40 % de l’espace consacré à des commerces, des industries et des institutions.

Louvain Est

Émilie Thuillier donne l’exemple du développement du site Louvain Est, dans le Domaine Saint-Sulpice, entre Christophe-Colomb et Saint-Hubert, au sud de Louvain et au nord de la voie ferrée du Canadien National. Le Domaine Saint-Sulpice est considéré comme un exemple de ce qu’il ne faut pas faire en matière de développement urbain, car il est dépourvu de services de proximité et les déplacements sont majoritairement motorisés.

Le projet de requalification Louvain Est entend corriger cette erreur historique. Il se compose d’immeubles de diverses tailles, de trois à dix étages, répartis sur une quinzaine de zones d’usages divers. L’essentiel des logements sera sociaux, communautaires ou abordables, et une grande part sera des coopératives d’habitation (le quartier est reconnu sur ce plan).

Le secteur comprendra des parcs, des places publiques, un espace d’agriculture urbaine, peut-être une serre, ainsi que des commerces de proximité (épicerie, CPE) et une école. Mme Thuillier espère que les premiers habitants s’y installeront en 2027. Une boucle géothermique chauffera l’ensemble du site. Autre innovation : le terrain appartiendra à une fiducie d’intérêt social, qui permettra de soustraire le projet à la spéculation foncière.

« Ce projet est exactement ce qu’il faut faire en matière de densification, reprend la mairesse, même s’il faut miser avant tout sur les transports collectifs et actifs. Il est économiquement impossible de proposer de l’espace de stationnement pour la voiture individuelle pour tous les résidants. Ni d’y construire des unifamiliales ou des duplex : leur prix de revente serait prohibitif. La formule choisie se veut un compromis qui permet une densification à échelle humaine, par un quartier mixte, où les temps de déplacement et les distances sont raccourcis, ce qui stimule les déplacements actifs (marche, vélo). »

Les fonctionnaires de l’arrondissement, de la ville-centre et les gens de Solidarité Ahuntsic se rencontrent régulièrement pour faire le point et trancher sur divers aspects du projet. Des rencontres statutaires de deux comités, coordination et gouvernance, se tiennent régulièrement, ajoute la mairesse, qui se dit persuadée que le projet verra le jour à la date prévue.

Quant à l’immense friche de 650?000 pieds carrés qu’est Louvain Ouest, toujours dans le District Central, l’administration Thuillier annonçait en octobre 2021 son intention de le redévelopper en y incluant des services, des activités à vocation économique et un espace vert. La mairesse ne s’est pas exprimée sur ce projet en particulier.

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