Le parc Belmont à Cartierville aurait eu 100 ans ce mois-ci!
Publié sur le site web du Journal des Voisins, 27 juin 2023
Inauguré en 1923, disparu en 1983, le parc Belmont aurait célébré son centenaire à la mi-juin de cette année.
L’ancien parc d’attraction de Cartierville, situé juste à l’est du pont Lachapelle, au nord du boulevard Gouin, a fait le bonheur de plusieurs générations de petits et grands, avant de connaître la déchéance à la fin des années 1970, jusqu’à sa fermeture en 1983.
«Lorsque le parc Belmont voit le jour, Montréal compte plusieurs parcs d’attraction de toutes tailles sur son territoire, explique Steve Proulx, journaliste, qui a écrit un livre sur le célèbre endroit en 2005, Les saisons du parc Belmont – 1923-1983, aux Éditions Libre-Expression (on peut le consulter à la bibliothèque ou l’acheter sur Marketplace).
Le plus connu de ces parcs était le parc Dominion, dans l’est de la ville, inspiré de celui de Coney Island, à New York, la Mecque du genre, à l’époque. Il y avait aussi le parc Sohmer, qui a brûlé en 1919.
Au départ, ces parcs étaient avant tout champêtres et issus directement de l’époque victorienne. Les gens venaient s’y reposer, faire des pique-niques et écouter des concerts. Puis, les manèges se sont progressivement ajoutés.
«Tout comme les autres parcs du genre, le parc Belmont est rapidement devenu un important lieu de diffusion de la culture populaire, poursuit Steve Proulx. On y présentait des spectacles de big bands et de cirque, ainsi que des films en plein air (les “p’tites vues”). On annonçait même la programmation dans les journaux.»
Comme d’autres parcs du genre, Belmont a été lancé par la compagnie de tramways, qui désirait augmenter son achalandage les fins de semaine d’été. De tels parcs étaient situés au terminus d’une ligne. À l’époque, c’était la ligne 17, qui reliait le centre-ville à Cartierville et qui passait à travers champs.
Le Journal des voisins a d’ailleurs mis en ligne un balado sur l’Opération Patrimoine qui évoque la ligne de tramway se rendant au parc Belmont.
Cartierville, tout comme Saraguay, au début du siècle dernier, était avant tout un lieu de villégiature pour les riches familles montréalaises. Au sud de Gouin, c’étaient des fermes et l’aéroport de Cartierville, au sud du chemin de fer vers Deux-Montagnes, dont un embranchement, Val-Royal, s’arrêtait à quelques mètres du… parc Belmont!
Les manèges
Dès la deuxième saison se sont ajoutés les fameuses montagnes russes en bois, le Scenic (rebaptisé Cyclone dans les années 1960), qui étaient un peu la signature du parc. Les manèges ont pris plus de place à partir des années 1940. «Mais c’étaient de petits modèles, de type fête foraine», précise Steve Proulx.
Durant ces années, une salle de danse attire les foules avec ses concerts de big bands, dirigés notamment par Wilfrid Pelletier. C’est la glorieuse époque de la danse sociale et des… freak shows! Le parc Belmont présentait ainsi des Revues mettant en scène des performances circassiennes (femmes projetées par un canon, numéros de trapèze…), mais aussi des nains, des hommes à trois jambes et autres infirmités «exotiques», complètement inacceptables en regard des normes sociales d’aujourd’hui, mais qui attiraient les foules à l’époque.
«Cette ambiance est bien rendue dans le film La comtesse de Bâton-Rouge, d’André Forcier, dont certaines scènes se déroulent au parc Belmont», précise le journaliste.
La grosse bonne femme
Le parc a longtemps été célèbre pour son manège de tapis magique, un tapis roulant mécanique plutôt crade, au-dessus duquel on avait planté un mannequin de «grosse bonne femme» qui riait en se dandinant mécaniquement à longueur de journée. C’était l’attraction la plus célèbre du lieu.
Dans les années 1940, le maire de Montréal, Camillien Houde, est sur place pour inaugurer les autos tamponneuses nautiques. C’est dire l’importance du parc. La famille de l’ex-premier ministre Pierre Elliott Trudeau a longtemps été actionnaire (le père de l’actuel premier ministre a même siégé à son conseil d’administration et dénoncé des manquements éthiques!). Il appartenait à des gens d’affaires qui fréquentaient tous le Club Saint-Denis, un club privé pour l’élite francophone du monde des affaires qui a fermé ses portes en 2009.
Les singes
L’Île aux Singes, une autre attraction, a fait parler d’elle pour… les mauvaises raisons. On pouvait y admirer des singes achetés aux laboratoires des environs, qui se prélassaient dans un enclos entouré d’eau.
Un soir, un employé oublie de fermer la porte de la cage et les singes en profitent pour prendre la poudre d’escampette. Le parc va jusqu’à offrir une récompense pour récupérer ses pensionnaires, qui se sont disséminés dans tout Cartierville.
L’été suivant, l’Île aux Singes avait disparu. Le parc avait été aménagé sur une ancienne ferme. La maison du cultivateur, qui avait, dit-on, servi de cachette pour les Patriotes de la Rébellion des années 1830, avait été transformée en cafétéria.
La Ronde
En 1967, Montréal vibre au rythme de l’exposition universelle («Expo 67»), qui compte son propre parc d’attraction, La Ronde. Ses manèges, étincelants et neufs, sont plus impressionnants que celui du parc Belmont.
Dès lors, le parc Belmont connaît une lente déchéance, alimentée par des tactiques douteuses de la Ville de Montréal pour favoriser la Ronde, qui lui appartenait. Ainsi, la Ville impose des sens uniques absurdes aux abords du parc, en plus des descentes de police pour des motifs futiles. Les accidents de manèges, mal entretenus, se multiplient, dont celui des parachutes, qui fait la manchette.
Au début des années 1980, le parc est vendu à de nouveaux actionnaires qui tentent, sans succès, de le relancer. Il ferme au bout de deux saisons, en 1983. C’est la fin d’une institution au passé glorieux, comme le rappelle la chanson de Diane Dufresne.
Le parc est rapidement rasé, sauf les montagnes russes. Dans les années 1980, le site succombe à une nouvelle mode: on y construit des condos. Dans la partie ouest du site, Montréal a aménagé un beau parc public où l’on peut admirer des panneaux historiques et des sculptures rappelant le riche passé du parc Belmont, un lieu emblématique de l’histoire de Cartierville et de Montréal. Quelques arbres datent de cette époque.
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