Ruelles inoubliables

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velo urbain ruellesPublié dans Vélo Urbain, juillet 2013, page 38

On peut lire l’article ici.

Texte et photos: Stéphane Desjardins

Il y a plus de 2 000 ruelles, rien qu’à Montréal, et elles s’étirent sur 500 km. Beau Dommage, Gilles Valiquette, Georges Dor et les Cowboy Fringants en ont chanté les charmes. Une engueulade célèbre mettant en scène Lucien Francoeur, dans une ruelle de Saint-Henri, émaille le film Léolo.

Le concept vient de l’Angleterre du XIXe siècle et servait surtout aux livreurs de charbon, aiguiseurs ambulants, « guenilloux » et laitiers jusque dans les années 1970. Ici, les enfants y jouaient au hockey bottines, avant que la pratique du soccer devienne le sport dominant chez les jeunes.

Aujourd’hui, les ruelles sont souvent plus tranquilles. Elles offrent aux cyclistes la possibilité d’éviter les artères achalandées, de pouvoir rouler à leur rythme et, surtout, côte à côte. Elles prodiguent parfois de véritables oasis de calme dans la ville.

Depuis 1980, en effet, un mouvement de ruelles vertes a entrepris de les convertir en oasis de verdure, entretenues par les citoyens eux-mêmes. Quelques morceaux choisis.

Rue Hawarden

Aux limites de Westmount, on trouve un tout petit bout de rue accessible par l’avenue Atwater : l’avenue Hawarden. Cette très vieille rue est coupée du monde par une bretelle de l’autoroute Ville-Marie et, surtout, par une série d’arbres immenses. Elle est séparée de la voie ferrée qui mène à la gare Lucien-L’Allier par de magnifiques plates-bandes fleuries. Le chemin de fer menait autrefois à la gare Windsor d’où sont partis un grand nombre de colons qui débarquaient surtout de l’est de l’Europe et d’Irlande, avant de poursuivre leur périple vers les Prairies canadiennes.

On y découvre la maison qui a appartenu au juge Charles-Joseph Coursol, maire de Montréal de 1871 à 1873, mais aussi au millionnaire de la fourrure, Frédéric-Auguste Quesnel qui l’avait fait construire en 1830. Un siècle plus tard, c’était un lupanar pour une clientèle aisée. Aujourd’hui, c’est un lieu étonnamment calme et discret.

Rue Demers

Le Plateau-Mont-Royal regorge de magnifiques ruelles, dont certaines sont de véritables tunnels de verdure. Mais la minuscule rue Demers, au nord de la rue Villeneuve Ouest, remporte la palme. Nommée en l’honneur de Jean-Louis Demers, dernier supérieur des récollets de 1789 à sa mort en 1813, la rue est bordée de duplex érigés autour de 1900. Habitées initialement par des ouvriers des carrières voisines, certaines de ces maisons ont encore gardé leurs parements de bois, de nos jours, dans de réjouissantes teintes de jaune et bleu.

Les résidants se sont lancés dans une véritable orgie d’aménagements entre les avenues de l’Hôtel-de-Ville et Henri-Julien. On y admire de magnifiques arbres et arbustes décoratifs plantés en plein centre de la chaussée, transformée ainsi en deux sentiers de pavés. Le centre est désormais un jardin multicolore gardé par un moulin et arrosé par un puits décoratif ainsi que par la Fontaine du chat.

Avenue Lartigue

Ce sympathique petit bout de rue a été ainsi nommé en l’honneur de monseigneur Jean- Jacques Lartigue (1777-1840), évêque de Montréal à partir de 1836. Cet ultramontain prônait la soumission des Canadiens français à l’autorité du pape et du roi d’Angleterre. Il s’opposait aux Patriotes, menés par son cousin Louis-Joseph Papineau !

Située à l’est de la rue de la Visitation, entre les rues Ontario et Sherbrooke Est, l’artère compte des maisons de ferme dont certaines remontent au régime français. Dotée d’un petit parc, elle rappelle certains villages bretons. D’ailleurs, une des maisons arbore son gardien à la coiffe napoléonienne.

Ruelle Gilford-Mont-Royal

En fait, cette ruelle ne porte pas de nom. Elle débute rue Gilford, à l’ouest de la rue Drolet, à l’angle de l’avenue Henri-Julien, devant le parc Pierre-Boucher, ainsi nommé en l’honneur du comédien mort en 1973 qui a joué dans Rue des Pignons ainsi que Radisson, et qui a présidé l’Union des artistes. Elle aboutit au parc Gilles-Lefebvre, le fondateur des Jeunesses musicales du Canada. On s’y croit dans un petit village et non au coeur du Plateau.

Ruelle Larivière

Parallèle à la rue Harmony, entre les rues Larivière et de Rouen, cette première ruelle verte du quartier Sainte-Marie est située en plein secteur industriel. Mais c’est une oasis de verdure où poètes et artistes ont exercé leur art sur les murs des usines et ateliers environnants. On peut explorer deux autres ruelles vertes, tout juste à l’est, appelées de la Pente douce et Iberville-Frontenac. On y a planté des centaines d’arbres, d’arbustes et de fleurs.

D’autres ruelles vertes à découvrir à Montréal : 30e-31e Avenue (entre Bélanger et Saint-Zotique Est, une ruelle entièrement gazonnée); Querbes-de l’Épée, entre la rue Jean-Talon Est et l’avenue Ogilvy ; la ruelle Laval, entre les rues Rachel et Duluth ; et l’avenue Joly, près de l’intersection Sanguinet et Ontario Est.

Rue Sainte-Rose

Dans le village gay, deux petites rues se démarquent, entre de la Visitation et Panet par leur ambiance villageoise : Dalcourt et Sainte-Rose. Cette dernière, dont une partie est piétonne le long du parc Charles S. Campbell, fut baptisée en l’honneur d’un ouvrier qui habitait l’endroit en 1858, Pierre Rose.  On peut admirer une sculpture équestre en inox d’Éric Lapointe, dans le parc. Angle Dalcourt (Ludger Dalcourt y tenait une plomberie pendant la deuxième moitié du XIXe siècle), les duplex en brique rouge rappellent le caractère ouvrier et pauvre de l’époque du Faubourg à la mélasse.

Rue Magnan

Hochelaga-Maisonneuve compte de fascinantes ruelles, comme celle située juste à l’est de la rue Fullum. Elle en croise une autre parallèle à la rue Logan, qui longe des jardins communautaires et un terrain de jeux où aboutit la minuscule rue Provençale. À certains endroits, il n’y a même plus de bitume. Ce quartier ouvrier comporte une multitude de petites rues et de venelles intrigantes qu’il fait bon explorer à vélo.

Pour en savoir plus :

• Carte des ruelles vertes de Montréal: http://bit.ly/QApmAE

• Soverdi : http://www.soverdi.org

Ruelles de Montréal, Maxime Lefin, Nicole Lacelle, éditions Broquet, 2010.

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