Les chaînons manquants à Montréal

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Publié dans le Magazine Vélo Urbain,  juin 2014

On peut télécharger l’article ici.

Montréal est reconnue pour sa culture vélo. Mais il manque des liens essentiels pour en faire un paradis du navetteur. Et certains viaducs présentent un réel danger, comme l’a montré la mort récente d’une cycliste.

Même si Montréal est sans contredit la ville la plus « cyclable » d’Amérique du Nord, certains endroits sont si dangereux ou si peu accueillants qu’ils découragent bien des cyclistes de se déplacer à vélo. Ils représentent souvent de véritables barrières pour ces milliers de personnes qui pédalent chaque jour afin d’aller travailler, étudier ou s’amuser.

On parle ici de viaducs sous les voies ferrées, les autoroutes et les cours d’eau, de bretelles d’accès aux voies rapides et de raccordements aux ponts, ou simplement de chaînons manquants entre deux axes cyclables achalandés.

Ce dont on a besoin à Montréal ? D’une vision d’ensemble, de grandes pistes régionales qui servent d’autoroutes de vélo et qui permettent de traverser le territoire dans tous les sens, rapidement et en sécurité. Des axes qui relient parcs industriels, quartiers achalandés, institutions majeures, attractions touristiques, ponts et grands parcs publics. Qui prendra le leadership ? Monsieur Coderre, à vous de jouer !

Ça roule beaucoup et vite

«Les rues à gros débit de circulation, ça  fait peur au monde, explique Marc Jolicoeur, directeur de la recherche à Vélo Québec. Les intersections des grands boulevards et, surtout, de toutes les autoroutes, sont généralement “poches” à Montréal. C’est particulièrement vrai tout le long de l’autoroute Métropolitaine (40) et de l’autoroute 20, à l’ouest de Saint-Laurent. »

Ailleurs, ce sont les réaménagements urbains,  souvent cités comme des modèles de revitalisation, qui mettent des bâtons dans les roues des cyclistes, comme la rue McGill dans le Vieux-Montréal ou le Quartier des spectacles. «Le tronçon de la piste cyclable Claire-Morissette, derrière la Place des Arts, est source de problèmes. Ils n’ont pas écouté l’opinion des cyclistes.  Le résultat : c’est un trip de designer décollé de la réalité», commente Marc Jolicoeur.

Dans le Vieux-Port, les soirs d’affluence touristique  touristique, la piste cyclable est encombrée de marcheurs, et exige du cycliste la maîtrise du slalom. L’intersection McGill/de la Commune est mal conçue et la piste disparaît près de la place Jacques-Cartier. «Ce dossier stagne depuis 1992 constate Marc Jolicoeur et personne ne bouge. »

Échangeurs et tunnels hostiles

Les échangeurs sont aussi des territoires interdits. Québec a investi 125 millions de dollars dans celui du boulevard de l’Acadie : où sont les pistes cyclables ? Les cyclistes s’en tirent en empruntant les trottoirs, ce qui est contraire au code de la route. On espère qu’il en sera autrement avec les échangeurs en reconstruction de Décarie, de Rockland et de Dorval.

Y aura-t-il un lien cyclable entre l’aéroport, la gare, le  parc industriel et le fleuve ? On a aussi hâte de voir les plans de l’échangeur Turcot (estimé à 3,7 milliards de dollars). En attendant, on peut dresser une liste d’une dizaine d’échangeurs-barrières (voir encadré). Certains viaducs sous les voies ferrées sont aussi des zones de guerre, comme le « tunnel de la mort », angle d’Iberville et Saint-Joseph, ou celui de Papineau/des Carrières, ou encore ceux de Saint-Hubert et de Saint-Denis, là où Mathilde Blais, 33 ans, a été heurtée par un camion, le 28 avril dernier. On souhaite vivement des passages cyclables comme celui de Christophe-Colomb/Saint-Grégoire et celui, en construction, de Saint-Laurent/Bernard/de Bellechasse.

Enfin, les raccordements aux ponts font souvent pitié. Comme ceux de Cartierville, de l’île Bigras, vers Laval, ou du pont Viau : «C’est bien fait, mais pour aller sur la piste du boulevard Gouin, tu t’arranges avec tes troubles », critique Marc Jolicoeur.

Dans l’est de Montréal, rue Souligny, impossible de traverser la voie du CP, la bête noire du maire de l’arrondissement Mercier–Hochelaga-Maisonneuve, Réal Ménard. N’importe quel décideur public déteste négocier avec le CN ou le CP, qui considèrent leurs installations comme des pays souverains.

Grands parcs : dehors!

Ce qui n’aide pas la cause de la mobilité urbaine : les  grands parcs comme La Fontaine, Jarry, ou les parcsnature, dont les responsables ont décidé, ces dernières années, de sortir les cyclistes de ces vastes espaces verts. Les vélos y sont considérés comme une nuisance et on les force à de laborieux contournements.

Impossible aussi de traverser d’est en ouest le repos Saint-François d’Assise, le Jardin botanique ou le parc Maisonneuve. Même chose dans l’ouest de l’île, avec l’Arboretum Morgan, le bois Angell Woods (au bout du chemin de l’Anse-à-l’Orme, à l’angle de l’autoroute 40), l’aéroport Pierre-Elliot-Trudeau ou la gare de triage de Côte-Saint-Luc.

Règle générale, dès qu’on s’éloigne du centre-ville, à l’ouest comme à l’est, les axes utilitaires se font rares, et ne comportent pas de raccordement aux grandes pistes cyclables existantes. Difficile d’y aller ou d’en sortir rapidement à vélo, sans devoir emprunter quelque rues à circulation dense. C’est sans compter les approches de certaines stations terminales du métro (Angrignon, Honoré-Beaugrand, Montmorency, Côte-Vertu), qui sont périlleuses pour les cyclistes. Le cocktail vélo-métro est d’autant plus ardu…

Les échangeurs barrières

• Échangeur de l’Acadie

• Échangeur de Souligny (autoroute 25)

• Échangeur de Côte-de-Liesse (autoroutes 520 et 40)

• Échangeur de Dorval (jonction de la 13, la 20 et la 32e Avenue)

• Échangeur de Saint-Pierre (l’autoroute 20, la 138 et la rue Victoria)

• Échangeurs de Saint-Laurent (celui de Côte Vertu et là où l’autoroute 40 croise la 13)

• Échangeur de Henri-Bourassa et de la 40, dans l’est

• Sans oublier l’infranchissable échangeur d’Anjou (autoroutes 40 et 25) qui défigure cet arrondissement souvent qualifié de «crucifié»

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