Assurance auto: la carotte et le bâton
Publié dans le Journal de Montréal/Journal de Québec, Section Dans vos poches, 21 juillet 2014
On peut lire l’article ici.
Voulez-vous être payé pour être surveillé? C’est un peu ce qui se produit avec les bidules que les assureurs vous proposent d’installer dans votre voiture pour mesurer votre comportement au volant.
La télématique permet désormais à des dizaines de milliers de Québécois d’obtenir des rabais pouvant aller jusqu’à 25% sur leurs primes d’assurance automobile. Quatre assureurs offrent ce service, dont les deux leaders québécois, Desjardins (15,64% du marché en 2013, selon le Journal de l’Assurance) et BélairDirect, une filiale d’Intact (28,24% du marché). L’Industrielle-Alliance et une filiale de Desjardins en assurance collective, La Personnelle, offrent aussi cette technologie qui mesure, grosso modo, le nombre de vos accélérations et freinages brusques, la distance parcourue, les endroits et les moments de la journée où vous avez roulé durant le mois. Vous pouvez contempler vos chiffres grâce à une page internet personnalisée et sécurisée.
Plus votre comportement au volant est exemplaire, plus vous vous méritez un rabais important. C’est le principe de la carotte et du bâton.
Depuis que Desjardins Assurance a lancé son programme Ajusto, en mai 2013, plus de 50 000 personnes ont répondu à l’appel au Québec et en Ontario, bénéficiant d’un rabais d’adhésion de 5%. Entre 30% et 40% sont des nouveaux clients. L’assureur a réfléchi pendant deux ans avant de lancer son programme, en étudiant les expériences similaires aux États-Unis et en Europe, où un tel service est offert depuis une quinzaine d’années.
Un sondage indique que 40% des clients Ajusto ont modifié leur conduite. L’assureur ajoute que le programme se répercute positivement sur le coût de ses réclamations, malgré les rabais consentis, sans donner de chiffres. Le rabais moyen gravite autour de 12%; il est de plus de 10% pour la moitié des participants.
Chez BélairDirect, tous les lundis, les clients du programme Automérite reçoivent un courriel affichant toutes les statistiques de leur conduite. L’assureur recrute plus de 2000 clients par mois depuis le lancement d’Automérite, en décembre dernier, dont 50% de nouveaux venus. Il s’attend lui aussi à réaliser des économies sur le front de l’indemnisation. Contrairement à Desjardins, où le bidule reste en permanence dans votre auto, BélairDirect le récupère au bout de six mois.
Chez Industrielle-Alliance, Assurance Auto et Habitation, on indique que plus de 70% des participants au programme Mobiliz ont amélioré leur performance, depuis sont lancement en avril 2012.
Les trois assureurs sont conscients de l’aspect Big Brother d’un tel service et s’engagent, par écrit, à ne jamais partager l’information récoltée avec une tierce partie (y compris la police et, surtout, les parents!), ni s’en servir pour ajuster l’indemnisation en cas d’accident ou à refuser de renouveler la couverture. Les contrats d’assurance automobile, qui sont uniformisés au Québec et supervisés par l’Autorité des marchés financiers (AMF), interdisent le partage de ce genre d’informations.
« La géolocalisation et la vente des métadonnées des téléphones cellulaires et des ordinateurs personnels, avec Facebook et Google par exemple, représentent une menace plus grave à notre vie privée que ces programmes de surveillance de la conduite automobile, déclare Philippe Viel, de l’Union des consommateurs. Et si ça améliore le bilan routier en générant des économies pour le consommateur, c’est même une bonne chose. » Les assureurs québécois affirment que c’est leur motivation première.
«Georges Iny, le président de l’APA, en rajoute : « Cette technologie, qui améliore surtout le bilan des jeunes hommes de moins de 25 ans, qui sont les plus impulsifs au volant, est meilleure que l’approche policière. Car l’appareil ne dort jamais, alors que les gens prennent souvent des chances parce qu’ils estiment que les policiers ne sont pas là pour les surveiller. J’aime l’aspect récompense : c’est positif. » Les systèmes antivol comme Boomerang ou d’assistance routière comme OnStar utilisent aussi la télématique, observe-t-il.
Fait cocasse : quatre jeunes clients de l’Industrielle-Alliance ont signalé le vol de leur véhicule, qui fut rapidement retrouvé : « On a organisé des téléconférences avec les policiers et notre client pour repérer l’auto grâce à Mobiliz. Les jeunes se sont ainsi appropriés la technologie pour une utilisation qui n’était absolument pas prévue au départ », souligne Suzanne Michaud, vice-présidente, support et gouvernance.
D’autres assureurs québécois introduiront sous peu cette technologie, faussement décrite comme une « boîte noire », qui ne fonctionne toutefois pas avec tous les modèles de voitures. Aux États-Unis, elle aurait généré une baisse moyenne de 30% des coûts de réclamation (jusqu’à 40% chez les jeunes conducteurs), selon Towers Watson. Au Royaume-Uni, les économies sont de 28,4% chez les jeunes hommes et 31% chez les jeunes femmes écrivait en avril le site Confused.com. Six millions d’automobilistes ont adopté cette technologie dans le monde selon Driving.ca.
Nos conseils :
• Les freinages et accélérations brusques coûtent très cher en plaquettes de freins et en essence.
• Si possible, utilisez le transport en commun : vous prolongez la vie de votre auto et vous engrangez un rabais additionnel allant jusqu’à 10%.
• Attendez au moins un mois pour que le système analyse véritablement vos habitudes de conduite.