Tenir parole: l’échec du Printemps érable?

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tenir parole BPublié dans Pamplemousse.ca, 19 avril 2017

On peut lire l’article ici.

Le roman «Tenir parole», de Clément Courteau et Louis-Thomas Leguerrier, aborde par la bande un débat qui persiste encore à ce jour: le Printemps érable fut-il un échec?

Le roman, écrit à deux mains pendant quatre ans, adopte le point de vue de Gabriel Nadeau-Dubois, lors de la grève du printemps 2012, alors que des centaines de milliers d’étudiants sont descendus dans la rue. Le mouvement se transforme progressivement: du rejet des hausses des frais de scolarité universitaires, on passe à la gratuité, puis à une critique en règle de l’austérité budgétaire et même du système capitalisme. Le narrateur, GND lui-même, raconte son point de vue alors que le conflit, qui se transforme parfois en émeute, suscite de profondes divisions sociales. De fait, l’avertissement, en début de livre, qui affirme que le récit en est un de fiction, fait sourire, puisque nombre d’événements et de personnages exprimés dans le roman sont bien réels.

«On a un peu piraté le personnage de GND pour en faire le nôtre, explique Courteau, qui habite dans Mercier-Est. Nous voulions montrer les difficultés d’être un acteur important du Printemps érable. On ne voulait pas juste parler politique. On lui a imaginé une vie intérieure, inventé des personnages secondaires, tout un monde autour de lui. Car nous ne voulions pas écrire des textes uniquement politiques. Notre message, on voulait le faire passer par la littérature.»

Les auteurs ont écrit à GND pour «l’avertir». Celui-ci n’a pas voulu lire le manuscrit avant publication et s’est engagé à ne pas poursuivre ses auteurs. Ces derniers ne savent toujours pas s’il a lu leur roman.

Quatre ans d’écriture

tenir paroleLe travail d’écriture a été entamé dès la fin de la grève, alors que le gouvernement Marois venait de se faire élire, et s’est terminé quatre années plus tard. «On écrivait nos scènes chacun de notre côté et on se les envoyait, puis on les réécrivait, reprend Clément Courteau. On a fait cet exercice quatre ou cinq fois pour chaque scène. Nos styles se sont ainsi mélangés. C’est long et ardu, mais ça en valait la peine, car le texte est bien meilleur selon nous.»

Courteau reconnaît qu’il avait le sentiment de quelque chose d’inachevé à la fin de la grève: «Il en ressort un grand sentiment d’insatisfaction, qui a mené à ce roman. Certes, les étudiants ont gagné leur revendication principale: l’annulation de la hausse des frais de scolarité. Mais le mouvement social qui a résulté de la grève, lui, a échoué sur toute la ligne. Toute l’intensité politique est morte avec la grève. Le mouvement étudiant ne s’en est d’ailleurs jamais remis.»

«Le Printemps érable, c’était une ouverture plus large vers la sécurité sociale, une réaction aux coupures de l’État dans les services sociaux, reprend-il. Certains remettaient en question le système capitaliste dans son ensemble. Sur ces plans, il n’y a eu aucun gain.»

À la lecture du roman, on sent inévitablement la grande solitude qui tenaille le personnage de GND. Courteau répond que c’est un classique pour toute personne au sommet d’un mouvement social: «Il était le seul à pouvoir faire ce qu’il faisait. Et cette solitude augmente au fil du temps dans le roman…»

Quant à la question de la violence, un sujet qui a marqué le Printemps érable et notamment GND, parce qu’on lui reprochait d’avoir refusé de condamner en termes clairs la violence menée par les casseurs, elle est abordée très habilement par les auteurs. «On ne la fétichise pas, explique Courteau. Mais on ne la condamne pas, dans la mesure où la violence des policiers contre les étudiants n’a jamais été remise en question durant la grève, malgré les blessures, malgré le fait que certains ont perdu un oeil. Mais quand les étudiants faisaient de la casse, on ne se gênait pas de les critiquer. La violence étudiante est compréhensible quand on se fait tabasser par les flics, soir après soir. Certes, briser des vitrines ne sert pas une cause politique, mais la violence de l’État n’est pas plus acceptable.»

Clément Courteau habite depuis plusieurs années dans Mercier-Est, dans le quartier Longue-Pointe, près de Honoré-Beaugrand et Notre-Dame. Il loge dans la maison familiale de sa compagne. «J’adore Mercier-Est, surtout le parc de la promenade Bellerive. Ce quartier s’améliore constamment. De nouveaux restos s’y établissent. J’espère y ouvrir une clinique d’acupuncture d’ici quelques années, car c’est un service qui n’est pas offert dans le quartier actuellement.»

Clément Courteau est acupuncteur et Louis-Thomas Leguerrier et doctorant en littérature comparée à l’Université de Montréal. «Tenir parole» est publié par Annika Parance Éditeur.

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