Chocolat nouvelle vague
Publié sur le site web du Réseau M, 20 juin 2018
Elfi Maldonado est chocolatière. Elle a fait de la traçabilité un véritable plan d’affaires et se trouve, du coup, à la fine pointe de son industrie.
La mode du chocolat bean to bar bat son plein dans les pays développés. Cette vague est portée par des passionnés, artisans ou commerçants, qui importent la matière première, les fèves de cacao, directement des producteurs, habituellement des indépendants ou des coopératives, et fabriquent leurs produits ici en appliquant des critères de qualité très élevés. Mme Maldonado va plus loin avec son entreprise, Qantu cacao et chocolat, qu’elle a fondée avec son conjoint Maxime Simard.
«Je suis originaire d’un pays producteur de cacao, le Pérou, mais la consommation de chocolat n’y est pas très développée, explique l’entrepreneure. Ma passion du chocolat, je l’ai découverte ici, au Québec!»
Rapidement, elle adopte le principe bean to bar, mais en réalise aussi les nuances. Et aussi comment les différents joueurs de l’industrie doivent composer avec des limitations : «On parle beaucoup du cacao qui provient de divers pays, mais on ne réalise pas qu’il y a plusieurs types de cacao, notamment du point de vue génétique. Et que les diverses étapes de production du chocolat, si elles sont mal appliquées, malgré toute la bonne volonté, influent sur la qualité du produit fini.»
«Malgré les fluctuations du marché du cacao en Bourse, le prix accordé aux producteurs n’a généralement pas augmenté, dit-elle. Or, le coût de la vie, si. Plusieurs producteurs tentent d’augmenter la productivité en concentrant la production. En cours de route, on perd de précieuses variétés ancestrales. Comme nous sommes des artisans, on apporte une solution à petite échelle, car on n’a pas besoin de commander de grandes quantités.»
Vérification à chaque étape
Elfi Maldonado travaille donc avec des fèves natives et non croisées, et ne retient que des produits biologiques. Lors d’une foire du cacao à Lima, elle découvre plusieurs variétés ancestrales. L’entrepreneure achète directement à la plantation, sans passer par les habituels courtiers ou intermédiaires. Elle s’y déplace deux fois par année, visite directement les plantations et les coopératives, et commande des microlots préparés spécialement pour elle ou pour de petits groupes de chocolatiers. Parfois, la matière première est très restreinte : «On a une production de cacao sauvage Chuncho, qui pousse dans la montagne, entre 800 et 850 mètres d’altitude. C’est un cacao qui n’a presque pas besoin d’entretien.»
Normalement, un producteur fait la cueillette, ouvre les cabosses, fait sécher les fèves au soleil et les fait fermenter selon des techniques qui lui sont propres. Mais la compétence des producteurs varie. Parfois, certaines fermentations sont mal faites. Ailleurs, le séchage est variable : s’il a plu sur les fèves ou qu’elles ont été mises à l’ombre au mauvais moment, la qualité s’en ressentira.
«Certains chocolatiers apprécient les goûts fumés ou mentholés, explique-t-elle avec passion. Mais ce sont des défauts! Nous, on vérifie la qualité à chaque étape et on apprend beaucoup des producteurs qui ont une vaste expérience. Il faut que ce soit top!»
Les fèves sont ensuite acheminées à Montréal où elles seront torréfiées dans l’atelier de Qantu, voisin de la brasserie Molson. Suivent des étapes de raffinage et d’émoulage.
Son plan d’affaires prévoit de percer le marché de la région métropolitaine, ensuite de s’étendre au Québec et, enfin, de se lancer à l’international.
À peine quelques mois après avoir démarré ses activités, l’an dernier, la chocolatière a remporté trois prix pour trois produits différents au prestigieux Academy of Chocolate Awards de Londres. Son chocolat s’est distingué parmi plus 900 échantillons! Elfi Maldonado a remporté deux médailles d’or et une d’argent.
Obtenir l’expertise
Au départ, l’entrepreneure n’a aucune idée de ce qu’implique diriger une entreprise lorsqu’elle se lance en affaires. Elle prépare donc son étude de marché et son plan d’affaires avec l’appui du Service d’aide aux jeunes entreprises (SAJE) de Montréal. Elle achète ensuite le matériel de torréfaction et de production et installe son atelier dans son appartement. Elle fabrique même une machine pour enlever les écailles des grains de cacao en se fiant à un concept qu’elle glane sur le web.
Puis, elle convainc ses premiers clients un à la fois. Ce qui lui donne la confiance de poursuivre, car ils apprécient la qualité du produit. «Aujourd’hui, 90% de nos clients nous appellent, dit-elle. On reçoit constamment des courriels de félicitation, surtout de la part des consommateurs…»
On peut trouver ses produits dans une quinzaine de boutiques montréalaises, dont Geneviève Grandbois, qui est particulièrement entichée du chocolat de Qantu. La chocolatière vend aussi à Toronto, Londres, Bruxelles, Paris, ainsi qu’en Caroline du Sud et en Arizona. Pour le moment.
Elfi Maldonaldo a découvert le mentorat pour entrepreneurs il y a quelques mois, et apprécie particulièrement ses sessions de mentorat de groupe. «J’ai lancé mon entreprise parce que c’était une passion, explique-t-elle. L’entreprise nous apporte du bonheur, mais il faut voir beaucoup plus loin. C’est ce que le mentorat m’amène à réfléchir. On travaille avant tout sur soi, sur le côté savoir-être de l’entrepreneur.»
«Un aspect du mentorat que j’apprécie particulièrement, c’est de se projeter dans cinq ou dix ans, reprend-elle. Je cerne davantage la place de mon entreprise dans ma vie. C’est également une belle opportunité de partager nos défis et nos expériences entre mentorés. On se rend compte que des entrepreneurs qui ont plusieurs années d’expérience vivent les mêmes problèmes que nous. Ça me rassure beaucoup sur mon propre parcours. Notamment le fait que, quand tu es en affaires, tu y penses 24 heures par jour. C’est comme ça pour tous les entrepreneurs. Je me sens réellement moins seule!»
Une collaboration de Stéphane Desjardins.