Quand prévention rime avec innovation

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Publié dans HEC Montréal Mag, mai 2020

On peut lire l’article ici.

En Cette époque où créer SA propre start-up techno représente tout un accomplissement, ils ont osé l’aventure de l’entrepreneuriat avec une idée novatrice qui a le potentiel de bouleverser leur industrie. Portrait de trois diplômés déterminés à prévenir plutôt que guérir.

Pour en finir avec le calcul des calories!

Anne-Julie Tessier est doctorante en nutrition. Avec son conjoint, Anthony Garant, diplômé de Polytechnique Montréal en génie logiciel, elle a joint le programme entrePrism de HEC Montréal en 2018 afin d’apprendre à commercialiser Keenoa, une application qui pourrait bien révolutionner son domaine.

« Il existe plusieurs applications pour traquer l’alimentation, mais aucune ne répond aux besoins des nutritionnistes, affirme-t-elle. Pour tester notre idée,
nous avons participé à un hackathon à Boston en 2017 et la réaction a dépassé nos attentes », explique-t-elle.

Tous les nutritionnistes doivent évaluer leurs clients à partir d’une sorte de journal intime que ces derniers peinent à rédiger en y notant tout ce qui a trait
à leur alimentation : mets, marques et quantités. « on a appliqué l’intelligence artificielle à ce processus », expliquent les jeunes entrepreneurs.

Une fois l’application intégrée dans son téléphone, l’utilisateur n’a qu’à s’inscrire sur le portail Keenoa de sa nutritionniste et à photographier tout ce qu’il mange. l’outil
lui pose quelques questions sur ses habitudes alimentaires et lui demande certains détails – les composants d’un sandwich, par exemple. Pas besoin de répéter l’opération pour le prochain sandwich, car l’application le reconnaît. Elle décompose même une assiette complète! En exploitant la base de données nutritionnelles du gouvernement canadien, Keenoa bâtit ainsi, petit à petit, un portrait fiable, produisant du même coup graphiques et tableaux nutritionnels détaillés. l’application permet même de constituer un calendrier qui présente en un coup d’œil les habitudes alimentaires de l’utilisateur, les photos apparaissant après chacun de ses repas. « Pour les nutritionnistes, Keenoa s’avère un outil d’analyse, de diagnostic et de suivi, alors qu’il aide les clients à mieux comprendre leurs habitudes alimentaires et les motive à suivre les conseils de leur nutritionniste », constate Anne-Julie Tessier.

Après une série de tests auprès de nutritionnistes, Keenoa a été officiellement lancée en août 2018. Depuis, l’entreprise cumule les distinctions – dont un prestigieux prix de l’American Society for Nutrition – et figure parmi les grands gagnants du premier Défi propulsion de Développement économique Canada. 

Les jeunes entrepreneurs ont aussi pu embaucher deux nutritionnistes stagiaires grâce à un programme du Conseil national de recherches du Canada et ont été choisis pour participer à deux accélérateurs universitaires : « Nous avons littéralement appris à devenir des entrepreneurs, à gérer une entreprise. »

Le lancement pancanadien a eu lieu en janvier 2020. Anne-Julie Tessier et Anthony Garant veulent accéder rapidement au marché américain. « Nous voulons devenir l’outil par défaut des nutritionnistes sans perdre de vue notre mission sociale : offrir à ces spécialistes et à leurs clients une information fiable et exacte pour prévenir et contrôler les maladies chroniques. »

Danser pour mieux vivre

Amy Éloïse Mailloux (M. Sc. Management 2019 et DESS en gestion des organismes culturels 2017) évolue dans un domaine nouveau : la danse-thérapie. les Grands Ballets Canadiens lui ont confié la gestion de ce service créé en 2013. « Notre mission est de promouvoir le bien-être que peut procurer la danse à des clientèles marginalisées ou qui ont des besoins particuliers. Nous offrons également de la formation à des professeurs qui veulent œuvrer en danse-thérapie et nous contribuons à des projets de recherche dans ce domaine. » l’équipe compte 25 collaborateurs, dont certains sont certifiés par l’American Dance Therapy Association.

La clientèle est variée : enfants, adolescents et adultes autistes, aînés sans troubles particuliers (pour combattre l’isolement), proches aidants (pour leur offrir du répit), jeunes déficients intellectuels ou handicapés physiques, adultes ayant des problèmes de santé mentale ou atteints de la maladie de Parkinson, jeunes présentant des troubles alimentaires (avec le CHU Sainte-Justine)… Depuis
le lancement, l’équipe a rejoint environ 700 personnes. Cette année, 900 clients s’ajouteront : « Depuis deux ans, nous avons lancé un volet récréatif dans nos nouveaux locaux, à l’édifice Wilder, ajoute-t-elle. Avec le Cirque du Soleil, nous sommes à mettre sur pied un projet qui vise 400 élèves du quartier Saint-Michel. »

Amy Éloïse Mailloux et son équipe sont des précurseurs : « En 2013, il n’y avait que trois professeurs certifiés au Québec, alors qu’ils sont une vingtaine aujourd’hui, précise-t- elle. l’aventure a toutefois requis une somme de travail considérable : il nous a fallu développer des partenariats, trouver du financement et peaufiner
le modèle d’affaires, notamment dans le domaine de l’autisme, où nous orchestrons des projets avec l’Agence de santé publique du Canada. »

« Notre approche est à la fois thérapeutique et ludique, ajoute-t-elle. Nous travaillons surtout la mobilité, la motricité et l’équilibre. Par exemple, avec un kinésiologue du Centre de réadaptation Marie-Enfant, nous avons collaboré à un programme de physiothérapie à partir d’une chorégraphie destinée à des enfants ayant des problèmes moteurs. » l’équipe a aussi travaillé auprès d’enfants qui souffrent d’une déficience intellectuelle profonde ou d’une grave paralysie, ou qui sont aux prises avec de sérieux problèmes de comportement alimentaire. En quelques semaines, la transformation qui s’opère est remarquable.

La jeune gestionnaire est très fière de ce modèle d’affaires qu’elle
estime unique au monde. « les Américains sont très impressionnés par notre approche, fondée surla collaboration avec les équipes cliniques, les spécialistes de l’éducation, les thérapeutes, les médecins, les psychologues et les travailleurs sociaux. Nous évitons de travailler en silo, notamment du côté de la recherche, que nous effectuons, par exemple, avec une bioéthicienne et un neuropsychologue. les bénéficiaires sont évidemment au cœur de notre démarche. »

S’attaquer aux commotions cérébrales

Pamela Champagne (B.A.A. 2019, Parcours entrepreneurial Rémi-Marcoux 2019 et Accélérateur Banque Nationale – HEC Montréal 2019) cherche à prévenir
et à réduire les blessures dans les sports de contact. Avec son frère Allen, footballeur universitaire aux États-Unis et à l’Université Queen’s de Kingston,
et Vincent DiStefano et Marie-Michelle Boulanger, doctorants en psychologie du développement des enfants à l’Université McGill, elle a développé une plateforme qui mise sur les technologies, l’analyse de données et les neurosciences afin
de démocratiser l’accès à des outils de performance et de sécurité dans le sport.

« À partir d’un projet de recherche mené de concert avec les universités Queen’s et McGill, nous avons mis au point une méthode d’analyse qui repose sur la biomécanique des mouvements, explique Pamela Champagne. Nous filmons d’abord les athlètes lors d’exercices propres à leur sport – a priori, le
football –, afin de cibler les faiblesses techniques. Nous en faisons ensuite l’analyse pour aider les entraîneurs à modifier les comportements à risque
sur le terrain et, ultimement, à diminuer le nombre de blessures. »
Perfectionnée auprès de plus de 2 000 jeunes sportifs canadiens, cette approche peut contribuer à diminuer de 30 % le nombre d’impacts à la tête. À terme, l’entraîneur pourra filmer lui-même les joueurs avec son téléphone et télécharger les images dans la plateforme numérique d’Elite NeuroKinetix, qui en fera l’analyse afin de lui fournir des rapports et de lui suggérer des interventions ciblées. D’ici septembre 2020, cette opération sera davantage automatisée, grâce à l’intégration de l’intelligence artificielle. Pour l’heure, l’entreprise a signé une entente avec Football Canada qui lui permettra de maximiser son impact sur la communauté sportive du pays.

Elle est aussi en voie de conclure d’autres partenariats qui favoriseront son expansion à l’international.

Pourquoi le football ? « Parce que c’est un sport inclusif qui peut servir de levier à plusieurs jeunes, notamment ceux qui sont issus de milieux défavorisés,
en leur donnant l’occasion d’exploiter leur plein potentiel, explique Pamela Champagne. En réduisant le risque de blessures, notre approche met l’accent sur les bienfaits du sport, qui contribuent au développement optimal des athlètes. Pour permettre à encore plus de sportifs de vivre leur passion en toute sécurité, nous allons adapter notre approche à d’autres types de sports de contact, comme le hockey et le rugby. » ?

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