Les taxes municipales vont augmenter l’an prochain
Publié sur le site web du Journal des Voisins, 28 septembre 2022
Si on se fie au nouveau rôle d’évaluation pour l’agglomération de Montréal, les taxes municipales risquent de grimper considérablement en 2023. Toutefois, les contribuables d’Ahuntsic-Cartierville souffriront moins qu’ailleurs à Montréal.
Le nouveau rôle, publié le 14 septembre, fait état d’un énorme bond de 30 % de la valeur moyenne des propriétés résidentielles et commerciales pour Montréal. C’est la hausse la plus élevée en 15 ans (en 2007, la hausse avait été de 38,6 %). Comparativement, le rôle de 2021 affichait une hausse de 13,6 %; en 2019, on parlait de 5,8 %. En 2022, pour le secteur résidentiel, l’augmentation est de 35,5 % pour l’ensemble de l’île de Montréal.
Précisons que pour cet article, il s’agit de hausses moyennes, puisque les valeurs varient pour chaque immeuble selon une méthode de calcul indiquée plus loin dans ce texte.
Ahuntsic-Cartierville
Dans Ahuntsic-Cartierville, la hausse des valeurs foncières, toutes catégories d’immeubles confondues, est de 31,7 %. C’est la plus faible de la métropole après Ville-Marie. Dans le résidentiel, toutes catégories confondues, elle est de 34,9 %.
Voici les hausses de 2022 par type d’immeuble :
- maison unifamiliale : 36,4 % (13,1 % en 2021);
- condo : 35 % (4,7 % en 2021);
- plex (de 2 à 5 logements) : 33,9 % (11,7 % en 2021);
- locatif (6 logements et plus) : 34,2 % (14,2 % en 2021);
- commercial : 35,5 % (10,5 % en 2021).
La valeur moyenne des résidences unifamiliales est de 809 100 $ en 2022, comparativement à 588 100 $ en 2021. Celle des condos : 362 600 $ (262 300 $ en 2021).
Comment ça marche
La valeur d’un immeuble est basée sur le marché immobilier du quartier où il est situé. Par contre, les valeurs du rôle de 2023 reflètent l’état du marché entre le 1er juillet 2018 et le 1er juillet 2021. Le rôle traduit donc partiellement la surchauffe immobilière survenue pendant la pandémie. Par contre, le prix des immeubles a continué à grimper fortement après le 1er juillet 2021 jusqu’au milieu de l’été 2022, alors que la Banque du Canada amorçait une série de hausses de son taux d’escompte pour freiner une inflation dont elle avait sous-estimé la sévérité.
Le calcul pour chaque propriété varie selon sa nature (résidentiel, résidentiel locatif, commercial, centres commerciaux, bureaux, industriel, terrains vagues) et selon diverses méthodes de comparaison, qui tiennent compte d’une série de facteurs comme la dépréciation, les revenus, le coût de remplacement, etc.
La Ville fixe ensuite le taux de taxation dans son budget, qui varie selon le type d’immeuble. Il s’agit habituellement de quelques cents par 100 $ d’évaluation. L’arrondissement fixe également un taux qui lui est propre (4,38 cents par 100 $ pour Ahuntsic-Cartierville) et qui représente 5 % du compte total de taxes municipales (pour certains arrondissements voisins, on approche les 10 cents). Ce compte, qui varie selon chaque immeuble, comprend donc :
- taxe foncière générale;
- taxe spéciale pour l’ARTM (transports en commun);
- taxe d’eau;
- taxe de travaux de voirie;
- taxe d’arrondissement.
La taxe d’arrondissement a été créée par l’administration du maire Gérald Tremblay, au début des années 2000. Par exemple, le propriétaire d’une maison du quartier Ahuntsic, évaluée à 731 000 $ au compte de taxes de 2022, a payé des taxes municipales de 5736,16 $. De ce total, 602,35 $ représentaient la taxe d’arrondissement.
Habituellement, les élus ajustent à la baisse le taux de taxation pour compenser la hausse des valeurs et l’inflation, ainsi que pour respecter leurs promesses électorales. Par exemple, en 2021, l’arrondissement et la ville-centre avaient annoncé un gel des taux, ce qui s’était traduit par de très modestes hausses de taxes après inflation. En 2022, l’arrondissement avait fait quelques contorsions comptables pour utiliser une partie de ses surplus afin de limiter la hausse des taxes.
Signalons que les villes sont obligées d’adopter un budget équilibré. La loi interdit tout déficit. La même méthode de calcul sert à fixer la taxe scolaire.
Locataires touchés
Les locataires ne sont pas immunisés contre les hausses de taxes municipales, puisque les propriétaires peuvent augmenter les loyers en conséquence, selon une formule publiée chaque année par le Tribunal administratif du logement (ex-Régie du logement). Cette formule tient compte des taxes municipales et scolaires, ainsi que de l’inflation des autres coûts liés au logement (assurance, énergie, entretien, gestion…).
Concrètement, l’arrondissement adoptera son budget (et le taux de la taxe d’arrondissement) le 11 octobre. Montréal adoptera le sien en décembre. Les comptes de taxes sont envoyés dans les semaines suivantes.
Ajustez votre budget personnel pour 2023
Propriétaires et locataires risquent d’y goûter l’an prochain. Surtout les premiers. L’administration Plante s’était engagée à ne pas hausser les taxes au-delà de l’inflation. En août (derniers chiffres disponibles), l’indice des prix à la consommation au Canada était de 7 %.
Or, quelques heures après la publication du rôle d’évaluation 2023, Dominique Ollivier, présidente du Comité exécutif et bras de droit de la mairesse Valérie Plante, a clairement laissé entendre dans les médias qu’un plafonnement de hausse de taxes à 3 % était hors de question. Mais elle a aussi glissé que la hausse n’irait pas jusqu’à 8 %.
« Je discute souvent avec Mme Ollivier et je ne présumerai pas de ce qu’ils vont annoncer, d’autant plus que nous sommes tous en pleine préparation budgétaire. Mais je peux confirmer que la promesse de ne pas dépasser l’inflation, qui remonte à novembre 2021, sera maintenue. Maintenant, personne ne pensait, à l’époque, que l’inflation jouerait aujourd’hui dans les 8 % », commente Emilie Thuillier, mairesse de l’arrondissement d’Ahuntsic-Cartierville, en entrevue avec le Journal des Voisins.
Mme Thuillier se veut rassurante en mentionnant que les hausses dramatiques de comptes de taxes se produisent plutôt dans les arrondissements où les valeurs des immeubles augmentent bien davantage que la moyenne montréalaise. Or, c’est rarement le cas dans notre arrondissement. « En fait, les gens ne le savent pas, mais de nombreux propriétaires voient leurs taxes baisser, dit-elle. J’aimerais insister sur le fait que nous ne contrôlons pas les valeurs des immeubles, qui sont fixées par le marché immobilier. »
La mairesse précise aussi qu’au cours des dernières années, les élus ont étalé les hausses sur trois ans. Par exemple, une hausse de valeur de 30 % en 2022 sera, en fait, de 10 % en 2022, 10 % en 2023 et 10 % en 2024… Elle n’a pas fait état de ses intentions pour l’an prochain à ce chapitre.
Émilie Thuillier s’attend toutefois à ce qu’il y ait une hausse de taxes : « Québec et Ottawa engrangent des revenus additionnels avec l’inflation, ce qui compense pour la hausse de leurs dépenses, dit-elle. Pas les villes, dont les revenus dépendent essentiellement des taxes foncières, qui augmentent moins rapidement que le coût de la vie. »
La mairesse précise que même si l’arrondissement augmente sa taxe locale davantage que l’inflation, au final, la différence ne se remarquera pratiquement pas sur le compte de taxes du contribuable, vu qu’elle ne représente que 5 % du total. Reprenons notre exemple de tout à l’heure : pour une taxe d’arrondissement de 602,35 $, une hausse de 10 % représenterait 60,24 $.
En terminant, contrairement à une croyance largement répandue, la valeur d’une maison (donc des taxes municipales) n’augmente pas automatiquement avec le temps. Par le passé, le marché immobilier a baissé ou même stagné, parfois pendant plusieurs années. Ce fut le cas après l’élection du Parti québécois en 1976. C’est aujourd’hui le cas en Chine. Et, dans un grand nombre de villes américaines, les valeurs se sont littéralement effondrées durant la crise de subprimes et la récession de la fin des années 2000.