Denis Lauzon et son approche pédagogique
Publié sur le blogue du Réseau Mentorat, 13 novembre 2022
Denis Lauzon a enseigné, créé des programmes de formation, sillonné le monde en tant que pédagogue et fondé des centres de formation et de recherche. Mais c’est avec le mentorat qu’il a surtout redonné aux jeunes.
« J’ai été élevé sur une ferme laitière à Sainte-Anne-des-Plaines. À huit ans, je chauffais le tracteur. On devient rapidement polyvalent quand on grandit dans un tel milieu », se souvient Denis Lauzon, qui a toutefois préféré la fabrication mécanique à une carrière dans l’agroalimentaire. Il obtient son diplôme technique en 1962 de ce qui est aujourd’hui l’ancêtre du cégep Ahuntsic.
Après avoir travaillé quelques années chez United Aircraft de Longueuil (aujourd’hui Pratt & Whitney), Canadair de Cartierville (aujourd’hui Bombardier) et Sicar à Montréal (qui a déménagé à Sainte-Thérèse et qui est aujourd’hui Paccar), il retourne aux études à l’École normale de l’enseignement technique (précurseure de l’UQAM). Il devient prof d’initiation à la technologie. Son stage d’études l’emmène en France où il séjourne une année, au terme de laquelle il obtient un diplôme qui est aujourd’hui l’équivalent d’un baccalauréat en formation professionnelle.
Mirabel
Il enseigne pendant quelques années au début des années 1970. Puis, il sillonne le Québec en tant qu’agent de développement pour l’implantation des cours d’initiation à la technologie au secondaire (qui sera jumelé au cours de science deux décennies plus tard) dans le milieu des années 1970. Après un retour à l’enseignement, il devient conseiller en formation professionnelle à l’éducation aux adultes dans la région de Saint-Eustache. Poste qu’il occupera pendant 12 ans.
Il s’installe à Mirabel et s’implique à fond dans le dossier des expropriés de l’aéroport. Au milieu des années 1990, il pilote le projet d’implantation d’un centre de formation agricole de Mirabel, qui loge dans le couvant de Sainte-Scholastique. L’immeuble se trouve à être la dernière bâtisse qu’Ottawa a revendue lors de la rétrocession de 11 000 acres de terres, à la suite de la longue lutte des expropriés, qui s’est terminée en 2006.
En 1991, il devient directeur général du Centre de recherches agroalimentaire de Mirabel, qui pilote une quarantaine de projets de recherche par année. Au bout de 12 ans, il devient prof à la Commission scolaire La Seigneurie des Mille-Îles et coordonnateur de la formation professionnelle. C’est alors qu’il découvre le mentorat.
« J’étais trésorier du CLD de Mirabel et j’avais rencontré des représentants du Réseau Mentorat. J’étais fasciné. Nous voulions lancer une cellule dans notre région », se souvient-il.
En 2007, il devient consultant en éducation et le ministère l’envoie en Afrique. Il fait plusieurs missions de formation professionnelle au Maroc et en Guinée, notamment. Il met sur pied l’École normale de formation des maîtres à Conakry. « J’ai pris ma retraite de la commission scolaire un vendredi et, lundi matin, je m’envolais pour l’Afrique. Après quelques années de ce régime un peu trop intense de retraité actif, j’ai décidé de réellement prendre ma retraite et de me consacrer au mentorat comme bénévole », ajoute-t-il.
Il s’implique à fond dans le réseau local, sélectionnant notamment les nouveaux mentors. « Quand je faisais de l’enseignement dans les pays en développement, j’ai constaté que là-bas, l’approche mentorale représentait un très bon moyen d’aider les jeunes dirigeants d’entreprises, ajoute-t-il. Quand on est jeune, on est toujours inspiré par les personnes de notre entourage. Moi, c’était ma famille, des collègues plus vieux. Je fais le lien avec le mentorat : on redonne à ceux qui nous succèdent pour leur permettre de réussir ce qu’ils entreprennent. »
Denis Lauzon a toujours travaillé avec les jeunes. Il fait encore du mentorat. « Mes jeunes mentorés, je pourrais être leur grand-père! Mais ils sont devenus mes amis. Il n’y a pas d’âge pour faire du mentorat. C’est une question d’attitude mentale. Quand la confiance s’installe entre mentoré et mentor, ce dernier joue son rôle correctement. Ça devient très agréable pour les deux. Le mentor se sent utile. Il sent comme une personne qui valide, par la bande, les choix de son mentoré. »
Pas un guide
« Je me suis toujours abstenu de dire quoi faire à mes mentorés, reprend-il. Mon approche, c’est de faire réfléchir pour que le mentoré prenne les décisions appropriées. Mais la décision doit venir du mentoré s’il veut faire avancer ses projets personnels ou d’entreprise. Le mentor doit demeurer effacé. Il doit accompagner. Si le mentoré prend une mauvaise décision, ce n’est pas la faute du mentor », dit-il en riant.
Denis Lauzon parle de ses trois petits-enfants, dont le plus vieux est dans la trentaine. « Ils sont comme moi, à leur âge, confie-t-il. Ils traversent les mêmes étapes de la vie que notre génération a connues. C’est la même chose pour les jeunes entrepreneurs, qui sont confrontés aux mêmes problèmes que leurs prédécesseurs, même si le monde a changé. Ils ne peuvent parler de ce qu’ils vivent avec leur entourage. Avec le mentor, il n’y a pas de lien affectif. La neutralité et la confidentialité représentent une sécurité dans la prise de décision. »
Il entretient encore des liens avec ses premiers mentorés. « Je dis toujours à mes mentorés que s’ils font quelque chose qu’ils aiment, et qu’ils n’ont pas l’impression de travailler, ils seront heureux, dit-il. Je regarde les jeunes : ils ont des technologies que nous n’avions pas à notre époque. C’est plus facile aujourd’hui d’être en affaires à plusieurs égards. Mais certaines choses ne changent pas. Je demande à mes mentorés de m’expliquer leur cheminement. S’ils ne comptent pas les heures qu’ils consacrent à leur projet, ils vont dans la bonne direction. Du moment qu’ils maintiennent un certain équilibre… »
Denis Lauzon conclut l’entrevue sur ces phrases évocatrices : « Je me suis amusé toute ma vie et j’étais payé pour le faire! Avec le mentorat, je m’amuse encore, et je ne suis pas payé… ».
NDLR : Denis Lauzon fait partie des nominés pour le Prix Aline et Marcel Lafrance 2022 du Réseau Mentorat.
Propos recueillis par Stéphane Desjardins.