Revenus: la fracture économique s’intensifie à Ahuntsic-Cartierville
Publié sur le site web du Journal des Voisins, 25 juillet 2023
Cet été, le Journal des voisins publie une série de textes permettant de se faire une idée de l’arrondissement et de sa population. L’équipe a potassé les chiffres tirés des statistiques des deux derniers recensements. Aujourd’hui, on aborde la question des revenus.
Ahuntsic-Cartierville est très déséquilibré du point de vue des revenus des familles, si on se fie à l’indice de défavorisation des écoles du ministère de l’Éducation, qui est une mesure de la pauvreté sociale. Il s’agit en effet d’un territoire réellement inégalitaire, alternant entre foyers bien nantis et ménages défavorisés. Explications en cinq points essentiels.
1- Plus d’inégalités que dans le reste du Québec
Le coefficient de Gini (sur les revenus ajustés des ménages) était de 37 dans Ahuntsic-Cartierville. Un facteur plus élevé que celui du Québec (25 en 2020) ou du Canada (30), selon Statistique Canada, l’Institut de la statistique du Québec et l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).
Le coefficient de Gini est une mesure d’inégalité de la distribution des revenus. Sur une échelle de 0 à 100, 0 représente l’égalité parfaite (chaque personne de toute la population a les mêmes revenus) et 100 l’inégalité parfaite (une seule personne a tous les revenus).
Pour se donner une idée, parmi les pays ayant une répartition très inégalitaire, on retient le Mexique (41,8), les États-Unis (39,5), le Royaume-Uni (36,6) et le Japon (33,4). Parmi les pays les plus égalitaires: la Norvège (26,1), le Danemark (26,8), la Finlande (27,3), l’Allemagne (26,9) et la France (29,2).
Avec un indice de 37, l’arrondissement d’Ahuntsic-Cartierville est un territoire plus inégalitaire en matière de revenu des ménages qu’ailleurs au Québec, qu’au Canada et que dans plusieurs pays d’Europe, dont la France.
2- Un ménage sur cinq en situation de revenu faible
Concernant la composition du revenu des habitants de 15 ans et plus de l’arrondissement, on observe que 67 % provient de l’emploi, tandis que 17 % est issu des transferts gouvernementaux.
Par ailleurs, environ un ménage sur cinq (17,3 %), soit plus de 22 000 des 134 245 habitants de l’arrondissement, est dans une situation de faible revenu. Parmi eux, 17,6 % sont des mineurs et 14,7 % des aînés. De plus, 4 % des 15 ans et plus sont sans revenu.
3- Des inégalités géographiques
Géographiquement, les inégalités de revenu sont frappantes. Il existe une forte gentrification de certains quartiers. Il s’agit d’un processus par lequel la population d’un quartier se modifie au profit des plus aisés. À Ahuntsic-Cartierville, plusieurs quartiers sont ainsi devenus bourgeois: Saraguay, Cartierville au nord du boulevard Gouin, certaines portions du Sault-au-Récollet, d’Ahuntsic et de Saint-Sulpice.
A contrario, plusieurs territoires sont marqués par la pauvreté, parfois extrême. C’est le cas de Cartierville aux environs de Grenet/Lachapelle, Saint-Simon ou Bordeaux, près du chemin de fer, ainsi que le sud-est du Sault-au-Récollet.
Selon le quartier, on trouve donc des habitants parmi les plus aisés de Montréal et certains parmi les plus pauvres. La classe moyenne est quant à elle installée un peu partout sur le territoire.
4- Moins de 30 000 $ par an de revenu médian
Si le revenu annuel médian des 15 ans et plus dans l’arrondissement est de 29 062 $, 20 % des ménages ont un revenu annuel de plus de 100 000 $. Et 4,1 % ont des revenus de plus de 200 000 $; ce n’est pas Westmount ou Hampstead, mais c’est à signaler. À l’inverse, 16 % gagnent moins de 20 000 $ et 26 % déclarent un revenu personnel de 50 000 $ et plus.
En 2016, le taux d’emploi était à 56 % et en 2023 il atteint 62,4 %. Les salariés représentent 85 % des travailleurs de 15 ans et plus, contre 11 % pour les travailleurs autonomes. Avant la pandémie, on note que 6 % de la population télétravaillait.
Malgré la forte proportion de la population considérée comme vulnérable, le portrait de l’emploi dans Ahuntsic-Cartierville est «dans la moyenne québécoise».
5- Le poids du logement dans le budget des ménages
Côté logement, 29 % des ménages consacrent un tiers ou plus de leurs revenus pour leur résidence. Rappelons que, selon le gouvernement du Canada, le «loyer et les dépenses liées au logement ne devraient pas dépasser 35 % du revenu brut de votre ménage».
La majorité des ménages (70 %) n’a qu’une seule personne qui paie le loyer ou l’hypothèque, les taxes, l’électricité et les autres services. Quant aux ménages propriétaires, 55,7 % ont une hypothèque et 20 % y consacrent plus de 30 % de leurs revenus.
Source: Statistique Canada
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