Nous sommes des drogués du crédit

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dettes républiquePublié dans Le République, 26 février 2013

On peut lire l’article ici.

L’endettement personnel nous mène vers une catastrophe nationale qui n’attend que de se produire. Le République publie un dossier en deux parties. La première : un portrait navrant de la situation.

« Personne n’est invulnérable aux problèmes d’argent ». La citation vient de quelqu’un qui s’y connaît en matière de détresse financière : Jean Fortin, président de l’important syndic de faillite qui porte son nom.

Il réagissait à l’annonce de Statistique Canada avant les Fêtes voulant que le ratio de la dette des ménages canadiens par rapport à leurs revenus s’établissait maintenant à 164,6 % (autour de 140 % au Québec, selon Desjardins). Ce qui signifie que pour chaque dollar gagné avant impôt, un Canadien doit 1,65 $! C’est 11 % de plus qu’il y a un an. En 1980, ce ratio était de 66 %. Aujourd’hui, il se rapproche de celui des Américains, qui avait atteint 170 % en 2007, au plus fort de la bulle immobilière qui a débouché sur la pire crise financière et économique depuis les années 1930.

Pire : la dette moyenne des consommateurs canadiens dépasse maintenant les 25 000 $ depuis la fin 2011. Certains parlent d’une « mauvaise dette », car elle n’est liée à aucun actif. La firme de crédit TransUnion rapportait il y a quelques jours que le consommateur québécois devait en moyenne 20 102 $, excluant l’hypothèque, au 4e trimestre de 2012, soit 1726 $ de plus qu’un an plus tôt.

Depuis cinq ans, cette dette a grimpé quatre fois plus vite que le taux d’inflation, rapporte Thomas Higgins, vice-président des services décisionnels et de l’analyse chez TransUnion. Elle progresse plus rapidement que les revenus, selon Desjardins.

Desjardins ajoute que les dettes de consommation représentent 25 % de la dette totale des ménages (le reste allant à l’hypothèque). Ainsi, presque tous les Québécois adultes (87 %) ont des dettes, selon un sondage récent de Question Retraite; 57 % ont une hypothèque, 42 % une marge de crédit, 40 % un prêt-auto, 38 % un solde impayé sur une carte de crédit, 14 % un prêt personnel et 7 % un prêt étudiant.

En 50 ans, nous sommes donc passés de la culture de l’épargne à celle du crédit.

Accro à l’argent de plastique

Le quart des Canadiens utilisent leurs cartes de crédit pour des avances de fonds, 18 % l’utilisent jusqu’à sa limite, 40 % ne paient pas leur solde en entier chaque mois et 18 % se sont procuré une nouvelle carte de crédit au cours de la dernière année (3,3 millions de Canadiens), selon l’Agence de consommation en matière financière du Canada.

Qu’est-ce que ça change sur le plancher des vaches? Desjardins affirmait en 2009 que près de 5 % des Québécois doivent consacrer plus de 40 % de leurs revenus nets aux paiements mensuels de leurs dettes. Au-delà de 40 %, vous êtes vulnérable financièrement. L’an dernier, cela représentait 115 000 ménages, soit près de 500 000 personnes. On prévoit qu’entre 6,8 % et 7,3 % des ménages québécois atteindront ce seuil en 2015, selon la Banque du Canada.

Les trois quarts des Québécois (77 %) affirment que le remboursement de leurs cartes de crédit constitue leur principale priorité financière. De plus, 11 % disent payer régulièrement des pénalités parce qu’ils paient leurs factures de cartes de crédit en retard. En 2011, 18 % des Canadiens estimaient être trop endettés ou affirmaient avoir de la difficulté à gérer leur dette, selon CGA Canada.

En 2011, 45 % des Canadiens affirment avoir reporté d’un mois à l’autre leur solde de carte de crédit et 20 % l’ont utilisé pour payer des dépenses parce qu’ils n’avaient plus d’argent.

Prisonniers

Même avec une marge de crédit ou une carte de crédit, le quart des Canadiens serait incapable d’assumer une dépense imprévue de 5000 $. Et 10 % aurait de la difficulté avec une dépense de 500 $, selon CGA Canada.

Presque un Canadien sur deux (47 %) éprouverait des difficultés financières si sa paie était retardée d’à peine une semaine en 2012, comparativement à 57 % en 2011, alors que 33 % des Québécois disent vivre d’une paie à l’autre, selon l’Association canadienne de la paie. De plus, un Canadien sur trois a de la difficulté à régler ses factures et à faire ses paiements à temps.

Malgré cela, les dépenses de consommation des Canadiens ont augmenté de 1804 % entre 1970 et 2010 (incluant, toutefois, celles des administrations publiques), selon l’Université de Sherbrooke.

« Le problème, ce sont les cartes de crédit, affirme le syndic Jean Fortin. Elles sont trop faciles à obtenir, alors que c’est un mode de crédit dispendieux. À ne payer que le minimum requis, certains ne pourraient rembourser leur solde qu’au bout de 70 ans! » Pourtant, c’est ce que font près du quart des Canadiens (22 %) chaque mois, selon un sondage réalisé par TD Canada Trust en 2012.

« J’ai une collègue qui a piloté le dossier d’une personne qui avait 26 cartes de crédit. Plusieurs viennent nous voir en trimballant sept à dix cartes dans leur portefeuille. Ce qui m’inquiète, c’est l’accessibilité au crédit. Dans une société de consommation, c’est un cocktail explosif », affirme Martine Marleau, conseillère budgétaire à l’ACEF de l’Est de Montréal.

« Certains nous disent qu’ils n’ont pas de dette, reprend-elle. Mais ils ne font que payer le solde minimum de leurs cartes et traînent un solde de 2000 $ qu’ils ne peuvent réduire. D’autres achètent des autos ou des divans pour 60 $ à 100 $ par semaine. Ils oublient de calculer le coût des mensualités. Leur divan, ils l’auront payé deux fois dans cinq ans. »

Et quand les taux d’intérêt vont remonter, ils seront réellement mal pris, ajoute-t-elle.

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